TRIBUNE I :  comment relancer la machine économique congolaise ?

Pas un visiteur ne quitte Kinshasa sans être impressionné par le
potentiel économique de la RD Congo. Pourtant, malgré ses 90 millions
d’habitants, sa position centrale, ses 80 millions d’hectares de
terres arables, son sous-sol riche en minerais et l’énergie
hydraulique disponible, le pays reste un géant qui sommeille encore.
Pour sortir la RDC de cette situation, Alphonse Shungu Mahungu,
leader visionnaire, ancien Directeur de cabinet au ministère de
l’Economie Nationale et ancien conseiller à la Présidence de la
République, propose une série d’idées novatrices pour le renouveau
économique de la République Démocratique du Congo (RDC). voici
ci-dessous l’intégralité de sa tribune.
        L’économie, étant  un tout, doit être vu comme un ensemble. En effet,
elle comprend plusieurs disciplines : économie des transports,
économie du développement, économie de l’éducation, économie de la
santé, économie industrielle, économie financière, économie publique,
économie régionale (provinciale), économie du travail, économie de
l’entrepreneuriat et de l’innovation… Les sciences humaines telles
que la psychologie interviennent également en économie.
        Ce qui revient à dire que l’économie dans son ensemble est une
science pluridisciplinaire.
        Pour réussir à faire de la bonne économie en République Démocratique
du Congo, l’approche à privilégier est la transversalité c’est-à-dire
travailler conjointement avec les ministères sectoriels
(l’agriculture, la pêche et la sylviculture…) ainsi qu’avec les
ministères clés (les finances, l’entrepreneuriat et les PME…). Le
ministère de l’Économie Nationale de notre pays ne doit donc pas se
concentrer uniquement sur les aspects liés au contrôle des opérateurs
économiques ou à la structure des prix des carburants, mais devrait
également se focaliser sur l’encadrement des activités économiques
dans son ensemble.
        Il est nécessaire de suivre de manière régulière l’évolution de notre
économie. Ainsi, l’élaboration d’indicateurs socio-économiques revêt
une importance capitale pour évaluer les politiques publiques et
sectorielles.
        Nous devons bâtir une économie nationale robuste et durable pour les
générations futures. Pour y parvenir, il est impératif de veiller à la
stabilité du cadre macro-économique de notre économie.
        L’inflation, étant l’un des principaux perturbateurs de l’économie,
il est indispensable de la contenir ou de la combattre pour éviter ses
effets néfastes sur le pouvoir d’achat des ménages congolais, sur la
compétitivité de l’économie nationale et sur la dépréciation du franc
congolais. Avant de lui appliquer les remèdes appropriés, il faudrait
d’abord commencer par analyser ou déterminer ses causes.
        Si, par exemple, c’est un excès de la demande, alors il conviendrait
d’augmenter la production locale, principalement notre production
agricole, en diversifiant notre économie, tout en augmentant le taux
d’électrification national (accès à l’électricité), ainsi qu’en
améliorant la connectivité notamment dans le cadre de stratégies
telles que le Programme de Développement Local, connu sous le nom de
«PDL-145T»…
        Sans le développement de cette connectivité, par exemple, le prix
d’un sac de ciment continuerait à avoisiner entre 40 et 50 dollars à
Mbuji-Mayi, tandis qu’il serait d’environ 10 dollars à Kinshasa.
        D’autres causes de l’inflation pourraient être, par exemple :
l’augmentation des coûts de production, la création excessive de la
monnaie en totale inadéquation à l’économie réelle, l’augmentation des
dépenses publiques…
        Toujours en ce qui concerne la veille à la stabilité du cadre
macroéconomique de notre économie, apprenons et soyons très regardants
au respect des limites de nos déficit budgétaire et stock de la dette
publique, par exemple, respectivement à 3% et à 60% de notre PIB
(Produit Intérieur Brut).
        L’Etat congolais reste et restera l’acteur clé du développement
économique en sa qualité d’investisseur dans les équipements et
infrastructures. La RDC a amplement besoin de la PAIX pour redresser
son économie. Les économies de la guerre réalisées seront réallouées
de nouveau dans les investissements productifs. L’allocation des
ressources publiques à des projets d’investissement, pour être
efficace, doit faire l’objet des contrôles renforcés, rigoureux et
périodiques.
        Enfin, le développement économique de notre pays dépendra en très
grande partie du comportement de nous-même Congolais. Il faut se le
dire droit dans les yeux, nous ne nous faisons pas confiance, et notre
économie en pâtit. Il est temps, plus que temps de commencer à lancer
les campagnes de sensibilisation et conscientisation de grande
envergure susceptibles de redorer l’image patriotique de notre pays.
        Aujourd’hui par exemple, les Congolais sont discriminés dans leur
propre pays. Même les plus talentueux qui veulent créer leur propre
business ont difficilement accès aux crédits bancaires octroyés par
les banques étrangères implantées sur l’ensemble de son territoire. En
sus, ils sont très mal rémunérés par leurs patrons étrangers, véreux.
        L’un des axes du renforcement de notre économie réside dans sa
diversification. Elle est essentielle pour assurer une croissance
durable et réduire principalement la dépendance excessive aux
importations des biens de première nécessité.
        Cependant pour atteindre l’objectif de l’accroissement de la
production, il faut se concentrer sur mettre l’accent sur un nombre de
secteurs économiques clés : primaire, secondaire et tertiaire.
        Tout d’abord, le développement du secteur agricole (pêche et élevage)
reste primordial. Il faut encourager l’adoption de pratiques modernes
et durables, faciliter l’accès aux intrants agricoles et l’octroi,
sous conditions, des aides ou subventions de l’Etat aux agriculteurs
et paysans, et de renforcer les infrastructures de transformation et
de commercialisation des produits agricoles.
        L’agriculture congolaise offre un potentiel énorme, non seulement en
termes de revenus pour les agriculteurs, mais aussi en contribuant à
la sécurité alimentaire du pays.
        Ensuite, l’Etat congolais et les entrepreneurs congolais doivent
intervenir davantage dans la transformation industrielle, et dans
toutes ses chaînes de valeur pour les biens produits dans le secteur
primaire : coton, thé, café, cacao, quinquennat, huile de palme …
        Les deux acteurs clés du développement économique de notre pays
devront être également très actifs dans la transformation de nos
industries à forte intensité de main d’œuvre. Il y a par exemple la
filière du textile et habillement, la filière de la production du cuir
et chaussures…
        Enfin, il est crucial de promouvoir le tourisme en RDC. Le pays
dispose d’une richesse naturelle et culturelle exceptionnelle, avec
des parcs nationaux, des réserves naturelles et des sites historiques
qui attirent déjà les touristes. La RDC doit investir dans le
développement des infrastructures touristiques, doit promouvoir des
destinations attractives et renforcer la formation des acteurs du
secteur afin de garantir une expérience touristique de qualité. Le
développement du secteur touristique de qualité est une source
d’entrée de devises étrangères que le pays a amplement besoin et qui
vient renforcer notre balance commerciale des services.
        Parallèlement, il faut renforcer le secteur des Technologies de
l’Information et de la Communication (TIC). Les TIC ont un énorme
potentiel pour stimuler l’innovation, créer des emplois et favoriser
la connectivité dans tout le pays. Dans cette optique, il faudra
mettre en place des politiques incitatives pour attirer les
investissements dans les infrastructures de télécommunication,
promouvoir la formation en TIC et encourager l’entrepreneuriat dans ce
domaine.
        L’amélioration du climat des affaires est également essentielle. Il
faut rationaliser la fiscalité, simplifier les procédures
administratives, réduire les obstacles bureaucratiques et renforcer
l’état de droit afin de créer un environnement favorable au
développement des entreprises et d’autres start-ups.
        La confiance dans le système économique et juridique est cruciale
pour attirer les investisseurs nationaux et étrangers.
        En plus de ces propositions, il faut des mesures supplémentaires pour
protéger les industries naissantes et stimuler les différentes
économies régionales (provinciales) du pays, respectivement par les
augmentations des tarifs douaniers et le renforcement de
l’interconnectivité, par exemple.
        La RDC doit investir dans des usines et des sociétés congolaises afin
de protéger les industries naissantes. Cela favorisera la croissance
et la compétitivité des entreprises locales, créant ainsi des emplois
et stimulant l’économie.
        Par ailleurs, il est souhaitable que le ministère de l’Économie
Nationale organise un atelier avec les 26 provinces de la RDC afin
d’étudier entre les parties prenantes sur comment stimuler les
différentes économies régionales (provinciales) du pays. Cette
approche régionale permettrait de prendre en compte les spécificités
ou avantages comparatifs et les besoins de chaque province, favorisant
ainsi un développement économique équilibré et inclusif.

        Je suis également favorable à la création d’une banque de
développement et banques sectorielles (agricole, industriel,
habitat…) à 100% constituées des capitaux congolais. Ces banques
seraient chargées de fournir des crédits aux entrepreneurs congolais,
offrant notamment un soutien financier essentiel pour le démarrage et
la croissance des entreprises locales. La présence de banques
étrangères en RDC limite ainsi donc l’accès au financement pour les
entrepreneurs congolais, d’où la nécessité d’avoir au moins d’une
banque de développement nationale, capable de concurrencer les banques
étrangères sur le sol congolais, habile d’accorder des crédits à des
taux préférentiels aux jeunes talents entrepreneurs congolais en
herbe.
        Dans cette perspective, la création d’un fonds souverain en
République Démocratique du Congo est vivement souhaitable. Ce fonds
aurait pour mission d’accompagner les entrepreneurs congolais dans la
création d’institutions financières, notamment des banques. Son
objectif serait aussi de fournir un soutien financier complémentaire
pour le démarrage et la croissance des entreprises locales, permettant
ainsi l’émergence de milliardaires congolais, conformément à la vision
du Chef de l’État.
        Toujours dans le même ordre d’idées, je propose également
d’encourager, voire d’imposer, la participation des nationaux dans le
capital des sociétés, de taille moyenne, détenues majoritairement par
des capitaux étrangers d’une part, et celle de l’Etat dans les grandes
entreprises ou multinationales étrangères, d’autre part.
        Cette politique vise à garantir une plus grande implication des
Congolais dans l’économie nationale et à favoriser le développement
d’une classe moyenne d’entrepreneurs locaux prospères. Notre économie
doit être protégée afin de faire face au modèle économique
d’appauvrissement qui a élu domicile dans notre pays.
        En outre, j’encourage les citoyens congolais à privilégier davantage
la consommation locale (les produits congolais) car elle contribuera à
stimuler l’économie en créant une demande pour les produits locaux. À
cela s’ajoute également des campagnes de sensibilisation pour
encourager les Congolais à avoir confiance en leurs entreprises et en
leur monnaie locale, soulignant l’importance de soutenir les
initiatives nationales.
        En plus de ses propositions initiales pour diversifier l’économie,
d’autres mesures de diversification de l’économie s’imposent. Il y a,
par exemple, l’investissement dans les industries locales, la
stimulation des économies régionales, la création d’une banque de
développement nationale et la promotion de la consommation locale.
        L’objectif poursuivi à travers ces nouvelles réflexions est de créer
un environnement favorable à la croissance économique et au
développement durable de la RDC.
Faites-nous une bonne politique, nous vous ferons une bonne économie.
        Au plaisir de me lire dans la prochaine tribune.

Alphonse SHUNGU
MAHUNGU, Economiste

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