Cour Constitutionnelle : Matata de nouveau rattrapé par le dossier «Bukanga Lonzo»

Après plusieurs « voyages » entre la Cour de Cassation et la Cour Constitutionnelle, entre 2020 et 2022, sans oublier un transit par le Sénat pour le maintien puis la levée des immunités d’Augustin Matata Ponyo, ancien Premier ministre, ci-devant sénateur, la Cour Constitutionnelle vient de se déclarer « compétente » pour des
poursuites judiciaires contre le concerné, dans l’affaire des détournements des fonds destinés à l’implantation du parc agro-industriel de Bukanga Lonzo dans la province du Kwango.

Signalons que selon l’acte d’accusation ficelé contre l’ancien chef du gouvernement congolais de 2012 à 2016, il est présumé détourneur d’un montant de 205 millions de dollars américains sortis du Trésor public pour le financement de ce projet agro-industriel ayant pour ambition de créer l’autosuffisance alimentaire à Kinshasa ainsi que dans les provinces voisines du Kwango et du Kongo Central. Sont cités comme co-auteurs de ce supposé détournement des deniers publics, l’ancien ministre en charge des Finances, Patrice Kitebi, l’ancien
Directeur gérant du Parc agro-industriel de Bukanga Lonzo, le Sud-africain Kristo.
C’est l’Arrêt rendu par cette haute juridiction le vendredi 18 novembre 2022, suite à sa saisine par la Cour de Cassation, en date du 21 juillet 2022, en vue de l’interprétation des articles 164 de la Constitution. En fait, c’est la réponse réservée aux avocats de Matata Ponyo, qui soutenaient, depuis belle lurette que leur client n’était « justiciable » ni devant la Cour de Cassation, ni devant la Cour Constitutionnelle, au motif qu’il avait déjà quitté ses fonctions de Premier ministre au moment de l’ouverture judiciaire du dossier « Bukanga Lonzo ».
Sauf nouveau revirement, le procès de Matata Ponyo et consorts devrait s’ouvrir incessamment au niveau de la Cour Constitutionnelle, qui s’estime compétente, sous son nouveau président, Dieudonné Kamuleta, pour juger un ancien Premier ministre, tel que libellé dans la Constitution, alors que sous le mandat de son prédécesseur, Dieudonné Kaluba, la même juridiction s’était déclarée « incompétente
».
Rappelons, à titre d’information, que l’article 164 dispose ce qui suit : « La Cour Constitutionnelle est le juge pénal du Président de la République et du Premier ministre pour des infractions politiques de haute trahison, d’outrage au Parlement, d’atteinte à l’honneur ou la probité ainsi que pour les délits d’initié et pour les autres infractions de droit commun commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. Elle est également compétente pour
juger leurs co-auteurs et complices ».
Le problème qui trouble de nombreux esprits est que si un ancien Premier ministre n’est justiciable devant aucune juridiction nationale pour des « infractions commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions », il devient automatiquement un « intouchable ». Cela est d’autant dangereux qu’on risque d’avoir, dans ce pays, des citoyens qui pourraient tout se permettre dans la gestion
de la chose publique puisque certains de se trouver au-dessus des lois dès lors qu’ils auront quitté leurs fonctions. Où se trouverait l’Etat de droit dans une telle architecture institutionnelle ? D’aucuns pensent que si Matata Ponyo est innocent, cela devrait être attesté par une décision judiciaire définitive, comme c’était le cas pour Vital Kamerhe par exemple. Mais le soustraire d’emblée des maillons de la justice ne serait pas juste.
Kimp

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *