Noyade de Katumbi à Ndjili : une leçon pour un politicien sans «base» à Kinshasa

Kinshasa est désormais le Waterloo pour Moïse Katumbi. Le mythe du
candidat N°3 à la présidentielle de ce 20 décembre s’y est effondré.
Annoncée en grande pompe, son arrivée samedi 9 décembre dans la
capitale a été, à la limite, un fait anodin. Réunis, cinq candidats
présidents de la République n’ont pas su, dans une ville de 15
millions d’habitants, remplir, même de moitié, la place St Thérèse à
Ndjili, avec une capacité estimée à 15 000 personnes. Il se serait
davantage noyé si d’aventure, il avait poussé l’audace jusqu’à
affronter l’unité de mesure qu’est le Stade des Martyrs, avec 80 mille
personnes au bas mot. Réduit à sa plus simple expression et dorénavant
vu sous sa vraie grandeur, le patron du Tout-Puissant Mazembe, privé
de véritables assises territoriales dans l’ex-Katanga, du fait du
découpage territorial intervenu en février 2015, est désillusionné et
appelé à revoir sa copie.

        19 novembre – 9 décembre, trois semaines, jour pour jour, se sont
écoulées depuis que la campagne électorale en perspective des
élections générales du 20 décembre 2023 a été officiellement lancée.
Elle est entrée du fait-même dans la dernière ligne droite, où les
principaux candidats présidents de la République entendent faire du
sprint pour préserver leurs avances supposées ou réelles, distancer
davantage les concurrents, afin de l’emporter au finish. Mais,
certains d’entre eux se complaisent dans des communiqués alambiqués
pour justifier leurs contreperformances.  Toutefois, au bout des trois
semaines, certaines étapes étaient symboliques pour les différents
challengers. Malgré un sans-faute dans le Kongo Central, le Grand
Equateur, la Grande Orientale, voire le crochet opéré dans la ville de
Kindu, l’espace Kivu était à la fois délicat et déterminant pour le
président sortant, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, candidat à sa
réélection, dont les populations, singulièrement celles du Nord-Kivu,
avec une partie du territoire occupé, ne jurent que par l’avènement de
la paix, cette denrée rare qui leur manque depuis près de trois
décennies, et dont la non-jouissance les plonge dans une extrême
affliction, assortie d’une crise humanitaire innommable. En fin de
compte, il n’y a pas eu d’opprobre jetée sur sa personne. La
communion, sur fond d’un discours ferme à l’endroit du président
rwandais, qui a eu lieu sous une forte pluie au Stade Afya à Goma
entre le candidat N°20 et les Gomatraciens signifie que ces derniers
le trouvent comme l’homme de la situation.
        Par contre, Moïse Katumbi, qui entendait, après avoir manipulé
l’opinion avec des images trafiquées dans la partie swahiliphone, dont
il partage avec les habitants le substrat linguistique, a fait flop à
Kinshasa samedi. Il a loupé son entrée dans Jéricho. Les Kinois ne lui
ont pas dressé une haie de rameaux, ni tressé les lauriers.
Le constat était amer tout au long de sa procession à pieds de 15 km,
qui l’a conduit de l’aéroport de Ndjili jusqu’au point de chute, la
place St Thérèse à Ndjili, lieu clairsemé, où il devait livrer son
message de libérateur selon la mission reçue de Dieu. Cinq candidats
présidents de la République, à savoir Moïse Katumbi et ses quatre
alliés (Delly Sesanga, Augustin Matata Ponyo, Franck Diongo et Seth
Kikuni), n’ont pas été en mesure de remplir, même de moitié, ce
terrain d’une capacité de 15 000 personnes. Une preuve suffisante que
le plat Katumbi n’est pas comestible dans la capitale, en plus du fait
que le candidat N°3, qui pense qu’il peut acheter tout avec son
argent, s’est allié des menus fretins qui se distinguent plus par la
grosse gueule que par l’ancrage sociologique.
        Son discours populiste, sur fond d’attaques systématiques contre le
Président de la République sortant, alors qu’il ne décline pas le
programme sur base duquel il sortira la RDC du bourbier, ne séduit pas
non plus. Surtout avec la relance de la question de sa nationalité
soulevée solennellement par Jean-Pierre Bemba et qui n’a pas reçu de
réponse lors de son speech et le déni de son épouse qu’il ne tient
pas, à tout prix, à présenter aux Congolais et pour laquelle il promet
de supprimer le titre de la 1ère Dame, ainsi que la Maison civile du
chef de l’Etat. Pourtant, il ne serait pas le premier Président de la
République au monde à avoir une femme étrangère. La femme de Trump
n’est pas Américaine, celle de Sarkozy n’est pas Française, mais les
deux portaient leurs épouses en bandoulière.
        Les capacités intellectuelles de l’ancien gouverneur du Katanga
laissent aussi à désirer. Cela se traduit par une légèreté qui
transpire de ses déclarations. Dénonçant, par exemple, l’envolée des
prix sur le marché des produits de première nécessité et le
renchérissement du dollar américain par rapport au franc congolais, il
fait savoir que tout ceci va se régler, comme par un bâton magique,
dès le 20 décembre avec son élection. En d’autres termes, il fait
preuve d’une certaine incurie en termes de certains faits qui ont
secoué le monde et n’ont pas épargné du tout la RDC, en l’occurrence
le Covid-19 et la guerre russo-ukrainienne. La pandémie du coronavirus
a mis à dure épreuve les économies sur le plan mondial avec la
production qui était en berne. Pour maintenir ainsi à flots leurs
économies, les USA, l’Allemagne et la France avaient injecté
respectivement 5000 milliards USD (3100 milliards sous Trump et 1900
milliards sous Biden).  La guerre en Ukraine a perturbé les chaînes
d’approvisionnement de certains produits, ce qui est à la base de
l’inflation, même en Europe, aussi bien de certains produits de
consommation que de l’énergie. Outre ces deux faits majeurs exogènes,
il y a l’agression rwandaise sous couvert du M23, qui a grevé et
continue à grever le budget de l’Etat. Malgré cet état de choses, des
efforts ont été entrepris à travers le PDL-145 T, le programme avec le
FMI, la gratuité de l’enseignement, etc. Des résultats positifs sont
enregistrés sur d’autres plans, notamment diplomatique et sécuritaire.
Trente ans après, la communauté internationale est quasi unanime à
désigner le Rwanda comme pays agresseur de la RDC. Aussi l’embargo sur
l’achat d’armes et d’autres prestations militaires décrété contre le
pays depuis 2008 a été levé quinze ans après. Ce qui permet à Kinshasa
de se ravitailler présentement en armes sans conditions.
        En effet, la noyade de Moïse Katumbi à Kinshasa n’est pas une
surprise. Elle était prévisible. D’aucuns avaient annoncé qu’après
l’espace swahiliphone, le candidat N°3 entrait dans une zone de
turbulences en poursuivant sa campagne électorale à l’Ouest (Kinshasa,
Grand Equateur, Grand Bandundu et Kongo Central). La pré-campagne dans
cet espace était un prélude. Entre-temps, il n’y a pas eu d’éléments
nouveaux pour y changer la donne en sa faveur.
        Une autre zone de turbulences pour le président du Tout-Puissant
Mazembe, c’est l’espace Grand Kasai. Le ton a été donné avec l’accueil
terne qui lui a été réservé à Lodja, dans le Sankuru. Une confirmation
que son allié, Franck Diongo, fils du coin, est un poids mouche par
rapport aux leaders «tetela» rangés derrière le président de la
République sortant qui y a ratissé large. Il en de même de Delly
Sesanga dans le Kasai Central.
        A dire vrai, la malice du candidat N°3 est connue, ainsi que
l’affirme Lambert Mende. Sans inquiétude de mémoire, il se
désolidarise toujours du régime politique qu’il a servi à l’approche
de la fin du mandat pour ne pas en endosser le bilan, se refaire une
virginité politique et se faire passer pour un nouvel homme. Ce qui a
été vrai avec Joseph Kabila l’est aussi avec Félix Antoine Tshisekedi
Tshilombo.

Moïse Musangana
(CP)

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