Ce vendredi 30 juin va marquer le 63me anniversaire de l’accession de la République Démocratique du Congo à sa souveraineté nationale et internationale. 63 ans après la libération du peuple congolais du joug colonial belge ayant duré 75 ans, notre peuple se convainc au fil du
temps que ses gouvernants n’ont pas répondu au principal défi décliné dans l’hymne national, celui de « bâtir un pays plus beau qu’avant ».
Pays émergent en 1960, crédité d’un produit intérieur brut comparable à ceux du Canada, de la Corée du Sud, de Singapour, de l’Afrique du Sud, du Maroc, de l’Algérie, et de l’Egypte, le grand Congo se retrouve, aujourd’hui, au bas de l’échelle. Puissance industrielle et agricole de l’Afrique des années ‘60, la RDC est comptée, 63 ans après, parmi les Etats les plus pauvres de la planète. Qui pouvait croire, en 1960, que ce paradis terrestre, doté de fabuleuses ressources minières (uranium, cuivre, cobalt, or, diamant, coltan, nickel, manganèse, fer, pétrole, mercure, gaz méthane, etc), forestières (plus de 80 millions d’hectares de forêts), énergétiques (100.000 mégawatts dont 44.000 concentrés dans le seul site d’Inga) et hydrauliques (le fleuve Congo et ses affluents), se transformerait, 63 ans plus tard, en enfer ?
Avec le recul du temps, le professeur belge Van Bilsen, qui avait préconisé, en 1956, un plan de 30 ans pour l’émancipation du Congo/belge, notamment à travers la formation des cadres, dans un pays dépourvu alors d’universitaires, est perçu aujourd’hui comme un visionnaire incompris des politiciens congolais, aveuglement ancrés dans la théorie de « l’indépendance immédiate ». Souffrant de l’impréparation totale à assumer les charges d’Etat, les pères de l’indépendance s’étaient illustrés, durant les 5 premières années de l’indépendance, par des politiques des essais et erreurs, sous la dictée de leurs « conseillers » occidentaux.
La gangrène des essais et erreurs a prospéré au sein des générations futures, pour produire le gâchis que tout le monde déplore aujourd’hui.
Kasa-Vubu, Lumumba, Tshombe… et les autres
Le jour même de l’indépendance, le 30 juin 1960, le Premier ministre Patrice-Emery Lumumba commettait la première erreur qui allait lui coûter la vie 7 mois plus tard, à savoir un discours incendiaire, non prévu par le protocole, contre la colonisation belge, en présence du
Roi Baudouin. Kasa-Vubu et Lumumba allaient, à leur tour, aligner des erreurs en refusant de s’entendre sur leurs prérogatives constitutionnelles, telles que définies dans la Loi Fondamentale, avec un Président qui règne mais ne gouverne pas, et un Premier ministre chef du gouvernement, en principe doté de pleins pouvoirs.
La conséquence de leur cohabitation conflictuelle était leur « révocation réciproque », le 14 septembre 1960, laquelle avait ouvert une brèche au Colonel Mobutu, chef d’état-major général de l’ANC, pour les « neutraliser » tous les deux, à travers un « coup d’Etat » qui ne disait pas son nom, et mettre en place le Collège des « Commissaires généraux », pour la plupart des étudiants universitaires, sous la coordination de Justin-Marie Bomboko. Curieusement, alors que le Premier ministre Lumumba était assigné à résidence, le Chef de l’Etat, Joseph Kasa-Vubu, était libre de ses mouvements et même autorisé à poser des actes lui reconnus par la Loi Fondamentale.
Mais avant d’en arriver à la brouille Kasa-Vubu/ Lumumba, le pays enregistrait sa première sécession, celle du Katanga, avec comme président Moïse Tshombe, en juillet 1960, et la deuxième avec l’érection de la province du Sud-Kasaï en Empire, avec l’Empereur
Albert Kalonji Ditunga.
Mobutu, avec la complicité des occidentaux, avait cru régler la crise congolaise avec l’assassinat, le 17 janvier 1961, du Premier ministre Lumumba. Or, il venait de jeter de l’huile sur le feu, obligeant Antoine Gizenga, alors vice-premier ministre, de s’exiler à Kisangani avec une poignée de Lumumbistes tels que Christophe Gbenye et Soumialot, pour y créer un Etat autonome baptisé « République Populaire du Congo ». Un autre Lumumbiste, Pierre Mulele, lançait sa rébellion dans le Kwilu, avant de déserter le coin et de rallier Kisangani.
Entre-temps, des casques bleus, sous le label de l’ONUC (Organisation des Nations Unies au Congo) prenaient pied à Kinshasa et dans les provinces sous occupation des rebelles, pour finir par rétablir la paix trois ans plus tard.
Rentré dans les rangs et promu Premier ministre en 1964, Moïse Tshombe gagnait, avec la Conaco (Convention Nationale du Congo) les élections législatives en 1965, ce qui devait lui permettre de conserver la direction du gouvernement et se mettre en ordre de bataille pour la présidentielle, Kasa-Vubu arrivant fin mandat. Mais le chef de l’Etat, en dépit de la « vérité » des urnes, avait préféré « ignorer » Tshombe et nommer, comme Premier Ministre, un des membres
de son regroupement politique, en la personne d’Evariste Kimba. Recalé par deux fois au Parlement pour son investiture, le précité ne savait comment entrer en fonction. Nouvelle crise au sommet de l’Etat, à laquelle Mobutu, devenu lieutenant général, mettait un terme le 24 novembre 1965, en prenant lui-même le pouvoir.
Les erreurs de Mobutu
Mobutu avait mené en bateau toute la classe politique en lui faisant la fausse promesse de ne rester au pouvoir que pendant cinq ans et de le rendre aux civils en 1970. Mais parmi les mauvais signaux du nouveau pouvoir, on notait la fermeture des deux chambres du Parlement, la nomination d’un Premier ministre militaire en la personne du général Mulamba, qu’il allait envoyer comme embassadeur à l’étranger quelques mois plus tard, supprimant du coup le poste, la création, le 20 mai 1967 d’un parti unique dénommé MPR (Mouvement Populaire de la Révolution). C’était la chasse aux « opposants », dont beaucoup étaient partis en exil et d’autres assassinés au pays.
En I970, au lieu de quitter le pouvoir, Mobutu organisait au contraire l’élection présidentielle comme « candidat unique », l’emportait à une majorité écrasante, sans adversaire, pour un nombre illimité de mandats fixés à 7 ans (1970, 1977, 1984). Il mettait en place, aussitôt après, le Bureau politique du MPR, composé des dignitaires du régime, payés grassement par le Trésor public.
De retour de son premier voyage en Chine en 1972, il créait des groupes d’animation politique et culturels, composés d’hommes et de femmes appelés à chanter et danser à sa gloire, et rémunérés par le Trésor public. Des « festivals nationaux d’animations politiques »
étaient organisés en 1972 et 1974 à Kinshasa, au stade du 20 mai, au cours desquels on voyait même des gouverneurs de régions (provinces), se trémousser devant le public, à la tête de leurs troupes. C’était la belle époque de «Mobutu Zinga », « Mobutu 100 ans » et du «Djalelo ».
Dans la foulée, plusieurs « branches spécialisées » du MPR étaient nées, animées par de hauts cadres du parti, avec sous leurs ordres des milliers des militants, à savoir la MOPAP (Mobilisation, Propagande et Animation Politique), la Condiffa (Condition Féminine et Famille), la
JMPR (Jeunesse du Mouvement Populaire de la Révolution) et la FORCAD (Formation des Cadres).
D’importants fonds publics étaient ainsi dilapidés pour le culte d’une personne : Mobutu.
Certainement mal conseillé par ses amis dignitaires du MPR, il assenait un coup de grâce à l’économie nationale, en décembre 1973, en décrétant la « Zaïrianisation », c’est-à-dire la confiscation, par l’Etat, des unités de production, magasins et boutiques appartenant aux étrangers pour les distribuer, sans contrepartie, aux « Acquéreurs » zaïrois. Tout ce que ces derniers avaient fait, c’était de les piller de fond en comble, sans penser au renouvellement des stocks.
Alors que la situation sociale et économique était devenue intenable et qu’un groupe de parlementaires, fondateurs de l’UDPS, s’étaient dressés contre son pouvoir, au début des années ’80, Mobutu avait préféré faire la sourde oreille, pour se réveiller trop tard en 1990,
et être contraint de « prendre congé » du MPR, le 24 avril 1990. Alors que le vent de la démocratisation soufflait fortement sur le pays, et qu’une chance d’une sortie honorable lui était offerte à travers la CNS (Conférence Nationale Souveraine – 1991-1992), il avait refusé catégoriquement d’appliquer ses résolutions, laissant pourrir ainsi la situation jusqu’à sa chute, le 17 mai 1997, sous la poussée de l’AFDL (Alliance des Forces Démocratiques du Congo).
Les erreurs de LD Kabila
Arrivé au pouvoir le 17 mai 1997, par les armes, Laurent Désiré Kabila n’avait trouvé mieux que de tourner le dos à l’opposition interne, qui avait fragilisé le pouvoir de Mobutu en interne, et d’asseoir une nouvelle dictature avec le concours de ses « alliés » rwandais. Comme Mobutu, il suspendait aussi le Parlement et confirmait l’AFDL comme Parti Unique, transformé plus tard en CPP (Comités des Pouvoirs Populaires). Quand il avait tenté de rectifier le tir, en se séparant d’eux en juillet 1998, c’était trop tard. De nouvelles rébellions éclataient à l’Est du pays avec le RCD (Rassemblement Congolais pour la Démocratie), pro rwandais, au Nord avec le MLC
(Mouvement de Libération du Congo), pro ougandais, le RCD-K-ML (Rassemblement Congolais pour la Démocratie – Kisangani -Mouvement de Libération).
Jusqu’à son assassinat, le 16 janvier 2001, il s’était illustré par un pouvoir autocratique, entouré des nouveaux dignitaires du régime.
Joseph Kabila : contrats chinois, 5 chantiers, Révolution de la Modernité, « Glissement »
Successeur de son père, dans l’opacité totale entretenue par les dignitaires de l’AFDL et des CPP, militaire de son état, Joseph Kabila a perpétué la dictature héritée de son père, tempérée plus tard par la communauté internationale, soucieuse de la réunification d’un pays éclaté en Républiquettes depuis 1998. Doté d’une grande capacité d’écoute, selon l’ancien vice-premier ministre belge chargé des Affaires Etrangères, Louis Michel, Joseph Kabila avait accepté de
partager son pouvoir avec quatre vice-présidents, de 2003-2006, en application des résolutions du Dialogue inter congolais organisé à Sun City, en Afrique du Sud.
Vainqueur de l’élection présidentielle en 2006, il s’est mis à reproduire les promesses de Mobutu d’un avenir meilleur pour le Congolais, à travers des slogans creux tels que les « 5 chantiers de la République » puis la « Révolution de la Modernité ». On lui doit le bradage des « bijoux de famille », dixit le patriarche Kiakwama au Palais du peuple, avec le fameux contrat chinois fondé sur les minerais contre les infrastructures. Selon les statistiques récentes rendues publiques par l’IGF (Inspection générale des Finances) , les entreprises chinoises auraient engrangé des dividendes de l’ordre de 10 milliards de dollars dans l’exploitation du cuivre et du cobalt au Katanga, contre moins d’un milliard pour l’Etat congolais.
On a assisté, entre-temps, à la faillite généralisée des entreprises publiques et d’économie mixtes (Miba, Gécamines, SNCC, Onatra/SCTP, Air Zaire, Siderurgie de Maluku, Cinat, TVF, RVM/CVM, LMC, Okimo, Cohydro) et la montée des dignitaires du kabilisme des mines, du transport, du commerce, etc.
La plus grosse erreur de Joseph Kabila aura été de faire le forcing, pour briguer un troisième mandat, alors que le législateur avait limité à deux, le nombre de mandats présidentiels. On connait la suite, avec son corolaire de descente du pays aux enfers, en 18 ans de règne.
L’erreur de Tshisekedi : la coalition FCC-CACH
Après l’investiture de Félix Antoine Tshisekedi, comme 5me président de la République, l’homme de la rue pensait qu’il allait rompre totalement avec l’ancien régime, basé sur la prédation, le terrorisme d’Etat envers les opposants et les défenseurs des droits de l’homme, la clochardisation généralisée des catégories modestes, l’enrichissement sans cause des dignitaires du kabilisme, etc. A la surprise de plus d’un, l’on apprenait que la nouvelle gouvernance allait se reposer sur l’attelage FCC-CACH.
C’était la déception dans les rangs du petit peuple, plus que jamais certain que pareille coalition entre bourgeois politiques et redresseurs des antivaleurs ne pouvait qu’accoucher d’une souris. C’est ce qui s’est produit en décembre 2020, après deux années de torpillage des actions du nouveau chef de l’Etat par les ministres, mandataires publics et parlementaires FCC.
A l’heure du bilan, en décembre 2023, Félix Antoine Tshisekedi serait bien obligé d’endosser la responsabilité du passage à vide provoqué par les Kabilistes, sur tous les plans.
Kimp