Les grossistes et détaillants spécialisés dans le commerce des pagnes peuvent se lécher les babines. Car, avant la fin de la semaine dernière, leurs stocks ont été littéralement vidés à la suite des commandes reçues en quantités industrielles aussi bien de la part des cabinets politiques, des entreprises publiques et d’économie mixte que des unités de production privées. Des commissions de distribution de ces pagnes aux femmes travailleuses ont été rapidement mises en place en vue de les servir avant la fin du week-end, de manière à leur permettre de les confier aux couturiers et couturières de leur choix dans un délai raisonnable.
Même les mandataires d’entreprises publiques aux trésoreries continuellement au «rouge», incapables de payer des dizaines de mois d’arriérés de salaires de leurs cadres et agents, ou de renouveler leurs outils de travail, ont dégagé des fonds non seulement pour «habiller» leurs personnels féminins et des «infiltrés» masculins mais aussi leur offrir des boissons et des amuse-gueule» dans l’après-midi de ce mercredi 08 mars, après leur participation aux manifestations officielles prévues à cette occasion par le ministère du Genre, Famille et Enfant.
Ainsi donc, en dépit des précautions prises par les décideurs politiques en vue de réserver la journée de ce 8 mars 2023 aux réflexions liées aux droits de la femme et de la fille, rien ne pourrait détourner des milliers de Congolaises du pagne, de la bière, des brochettes, et des orgies. On a beau leur rappeler le thème national, à savoir «Education numérique égalitaire pour la paix et l’autonomisation des femmes et des filles en RDC», ou encore le thème international «Pour un monde digital inclusif : innovation et technologies pour l’égalité des sexes», mamans et filles de la RDC ont du mal à se libérer de l’exhibitionnisme.
En son temps, quand elle était ministre du Genre, Famille et Enfant, l’honorable Geneviève Inagosi avait interdit le commerce des pagnes par des lobbies qui tendaient à détourner les femmes et filles des débats sur leur sort mais, aussitôt après son départ de ce ministère, la «fête du pagne» était revenue en force.
D’où il y a lieu de se demander si les femmes et filles que l’on rassemble dans des sites comme le Palais du peuple, ou des salles de conférence de Kinshasa et d’ailleurs, habillées comme des fées, ont vraiment le cœur à suivre des discours sur leur émancipation, leur indépendance financière, leur droit de siéger dans des centres des décisions du pays, etc.
Les esprits féminins sont tellement préoccupés par les à-côtés du 8 mars qu’il est difficile d’espérer changer de paradigme. Comme il y a plus de quatre décennies sous Mobutu et deux décennies sous les Kabila, père et fils, l’écrasante majorité des femmes et filles congolaises sont loin de considérer le 8 mars comme un moment de réflexion sur leur présent et leur avenir en tant que «bâtisseuses» de la Nation.
Kimp