Dans sa communication aux participants, hier mercredi 31 août 2022, à la « Réunion virtuelle du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine », Christophe Lutundula, vice-premier ministre et ministre congolais des affaires étrangères, a dénoncé l’arrogance du mouvement terroriste M23 et du Rwanda face aux recommandations de l’ONU (Organisation des Nations Unies) et de l’UA (Union Africaine). Il a rappelé que les membres de ce mouvement rebelle comme le régime de Kigali continuent d’ignorer les initiatives de ces deux organisations
internationale et africaine relatives à l’exigence de leur retrait immédiat et sans conditions de Bunagana et d’autres localités qu’ils occupent sur le territoire congolais, au cessez-le-feu, au respect de la souveraineté de la RDC, au retour des déplacés de guerre dans leurs milieux d’origine, au dépliement de la force régionale, etc. Selon le chef de la diplomatie congolaise, la témérité du M23 et du
Rwanda est favorisée notamment par la faiblesse des pressions exercées sur eux par la communauté internationale. A son avis, l’ONU comme l’UA devraient donner, sur le terrain, des signaux forts de leur volonté de passer aux actes, en vue de neutraliser cette force négative et son parrain rwandais, de manière à ramener une paix durable dans la partie Est de la République Démocratique du Congo.
Christophe Lutundula a rappelé aux participants à la « Réunion virtuelle du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine » que l’hostilité des populations congolaises à la présence de la Monusco (Mission des Nations Unies pour la Stabilisation au Congo) est liée essentiellement au constat d’échec de sa mission de protection des civils sur une période de 20 ans. Bien qu’il n’y ait pas de crise
entre Kinshasa et la Communauté internationale, tant que l’ONU et l’UA continueront de donner l’impression d’avoir capitulé face aux velléités guerrières du M23 et du Rwanda à l’Est de la RDC, le Congolais lambda va toujours être tenté de croire à un complot international contre sa patrie.
LP
Madame l’Ambassadeur Jainaba Jagne, Présidente du Conseil de Paix et
de Sécurité de l’Union Africaine ;
Monsieur l’Ambassadeur Bankole Adeoye, Commissaire de l’Union
Africaine aux Affaires politiques, à la Paix et à la Sécurité ;
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
En avril dernier, votre Conseil avait exprimé sa préoccupation sur la situation sécuritaire à l’Est de la République Démocratique du Congo. Il a demandé à la Commission de l’Union Africaine de continuer à soutenir les efforts internes et des pays voisins pour faire face à la résurgence de l’insécurité déclenchée par les activités des groupes armés, dont le mouvement terroriste M23, ressuscité dans la province du Nord-Kivu, à l’Est de la RDC depuis novembre 2021, par la
République du Rwanda dont l’armée est entrée sur le territoire congolais par la force le 24 mai 2022, en violation flagrante de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de notre pays.
Depuis lors, la situation n’a guère évolué positivement, en dépit de recommandations de votre Conseil et des positions fermes prises par la Commission de l’Union Africaine et le Conseil de Sécurité des Nations Unies qui ont condamné unanimement la résurrection du M23 et ses attaques contre les positions des Forces Armées de la RDC, FARDC, et exigé son retrait sans conditions des localités congolaises occupées.
En effet, à ce jour, ni les forces rwandaises, ni les terroristes du M23 ne se sont retirés de la province du Nord-Kivu. Au contraire, ils mènent fréquemment des incursions militaires pour conquérir d’autres espaces territoriaux en RDC, provoquant ainsi des tragédies humaines, notamment par des tueries, des déplacements forcés massifs des populations, les viols des femmes et autres violations graves des droits de l’Homme, sans compter le pillage de leurs biens au mépris de la Charte des Nations Unies, de l’Acte constitutif de l’UA et du droit
international humanitaire.
Afin de mettre fin à ces tragédies, de restaurer la paix et la sécurité à l’Est de la RDC et de promouvoir la coopération ainsi que le développement socioéconomique dans la Région des Grands Lacs, la Communauté de l’Afrique de l’Est et l’Union Africaine ont pris des initiatives politiques et diplomatiques en cours d’exécution. Il s’agit, d’une part, du « processus de Nairobi » placé sous le
leadership conjoint du Président sortant du Kenya, Uhuru Kenyatta, et du Président
de la RDC, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo et, d’autre part, du « processus de Luanda » conduit par le Président angolais Joao Gonçalves Lourenço, mandaté par le 16ième Sommet extraordinaire des Chefs et de Gouvernement de l’UA tenu à Malabo, le 28 mai 2022, sur le terrorisme et les changements anticonstitutionnels des gouvernements.
La note d’information actualisée sur la situation à l’Est de la République Démocratique du Congo distribuée aux participants à cette réunion donne la quintessence de ces deux initiatives et en évalue la mise en oeuvre. Point n’est besoin d’y revenir.
La RDC apprécie beaucoup l’implication active de l’UA, de la CAE, de la CEEAC et de la SADC dans la solution de cette énième crise sécuritaire que lui imposent le M23 et ses parrains dans le seul but de freiner son développement et de piller ses fabuleuses richesses naturelles.
Cependant, il reste que les Chefs rebelles du M23 et les autorités rwandaises tournent en dérision les différents instruments de solution issus de deux processus de paix ci-dessus et les appels répétés des instances internationales à la cessation des hostilités et au retrait de leurs troupes du territoire congolais ainsi qu’au respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la RDC. Ils n’entendent point leur donner une suite quelconque.
C’est pourquoi, il est impérieux et urgent d’appliquer les principes énoncés dans les communiqués de deux conclaves des Chefs d’État de la CAE à Nairobi et dans celui du Conseil de sécurité de l’ONU du 2 juin dernier, et de réaliser les actions prévues dans la feuille de route de Luanda, afin d’ouvrir des vraies perspectives d’une paix, d’une sécurité et d’une stabilité durables à brève échéance à l’Est de la RDC et dans la Région des Grands Lacs. Il y va de la crédibilité de
l’ONU, de l’Union Africaine, des Communautés régionales africaines et des dirigeants africains tant aux yeux de populations africaines que des autres nations du monde.
A cet effet, la RDC souscrit aux mesures pratiques et aux modalités à prendre soumises au CPS dans la note d’information actualisée, notamment en matière de coordination, d’harmonisation et de suivi des initiatives, actions et efforts diplomatiques de l’UA et des communautés régionales dont l’EAC, la CEEAC, la CIRGL et la SADC, d’une part ainsi que les sources de financement prévues des activités politiques et militaires nécessaires à la résolution durable de la
crise et au retour à la normale à l’Est de notre pays, d’autre part.
En outre, il est nécessaire de créer un environnement approprié et
les conditions de retour de la confiance mutuelle entre les parties
prenantes, plus spécialement entre la RDC et le Rwanda afin de
favoriser un dialogue sincère, constructif et fructueux ; ce qui
implique forcément :
1. Le retrait immédiat et sans condition du M23 des localités occupées ;
2. La cessation immédiate et sans condition des interventions
militaires rwandaises sur le sol
congolais et de son soutien au M23 ;
3. Le retour des personnes déplacées à leurs domiciles ;
4. Le déploiement rapide de la Force régionale Est-Africaine.
Madame la Présidente ;
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs ;
Le retrait du M23 et la cession des activités guerrières du Rwanda
requièrent des mesures coercitives de la part de la communauté
internationale, en particulier de l’UA et des communautés régionales
précitées contre eux.
Le récent rapport des experts de l’ONU sur la crise sécuritaire dans
la province congolaise du Nord-Kivu le justifie assez et souligne
davantage la nécessité d’une telle action, car il apporte de la
lumière non seulement sur l’ampleur du préjudice subi par les
populations congolaises des zones envahies par l’ennemi, mais aussi
sur les responsabilités du Rwanda dans cette crise en confirmant,
preuves à l’appui, l’agression de la RDC par ce dernier du fait des
attaques menées directement par ses forces armées contre les FARDC sur
le territoire congolais et du soutien en matériels de guerre et en
hommes des troupes apporté au M23. Ce rapport met ainsi fin aux
dénégations des autorités rwandaises sur l’implication de leur pays
dans l’insécurité et la déstabilisation de la RDC. Il devra permettre
d’attaquer le mal à la racine et de le guérir durablement. C’est une
pièce importante du dossier à laquelle l’Union africaine, plus
particulièrement sa Commission et son Conseil de Paix et de Sécurité
ne peuvent pas se désintéresser.
A travers le CPS, la RDC demande à l’UA d’appuyer sa démarche auprès
du Président du Conseil de Sécurité de l’ONU afin d’obtenir l’examen
de ce rapport dans le plus bref délai pour dégager toutes les leçons
qui s’imposent et sanctionner le Rwanda et les dirigeants du M23 dont,
du reste, certains sont toujours sous sanction depuis 2013.
En effet, il serait incompréhensible et inadmissible, voire
scandaleux que les Nations Unies et l’Union Africaine gardent silence
et soient indifférentes à la violation aussi grave des règles
fondamentales qui président aux relations entre les États et
consignées dans leurs Actes fondateurs, à savoir le respect de la
souveraineté et de l’intégrité territoriale des États et la
non-ingérence dans leurs affaires intérieures.
Notre pays sollicite aussi le soutien de l’Afrique à sa requête de la
levée par le Conseil de sécurité de l’ONU de l’embargo injuste qui le
frappe en réalité sous le couvert de l’obligation de déclarer au
Comité des sanctions ses achats d’armes et munitions. Est-il logique,
en effet, d’imposer une telle contrainte à un État en guerre que l’on
prétend soutenir sans l’affaiblir et lui priver des instruments de sa
sécurité et de sa stabilité ?
Madame la Présidente ;
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs ;
C’est dans ce contexte des contradictions de la communauté
internationale exacerbées par l’enlisement de la Mission des Nations
Unies pour la stabilisation du Congo, MONUSCO et certaines maladresses
de communication, que les Congolais déçus ont exprimé leur ras-le-bol
contre celle-ci et exigé son départ de la RDC. Cette tension a atteint
son paroxysme le 31 juillet dernier par suite de l’incident grave
survenu à Kasindi, au Nord-Kivu, lorsque des militaires d’intervention
rapide de la MONUSCO en provenance de l’Ouganda ont tiré sur la
population, causant plusieurs morts parmi les civils.
A cet égard, je tiens à indiquer clairement au nom du Chef de l’État,
Son Excellence Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, et du Gouvernement
de la République, qu’il n’y a pas de crise entre la RDC et l’ONU.
Seulement, au-delà des faits et en dépit de la peine qu’ils nous
causent, autorités congolaises et responsables de la MONUSCO, nous
devons décrypter froidement le message du Peuple congolais et
réfléchir profondément sur la pertinence du mandat actuel de la
MONUSCO et l’utilité de ce mécanisme de paix plus de 20 ans après sa
création. C’est pourquoi, le Gouvernement congolais a décidé de
réévaluer prochainement le plan de retrait de la MONUSCO convenu en
application de la Résolution 2556 du Conseil de Sécurité de l’ONU afin
de procéder aux ajustements requis pour un retrait responsable et une
meilleure harmonie avec le Peuple congolais. Cette réévaluation
indispensable se fera bien sûr selon les modalités fixées ensemble
avec les responsables de la MONUSCO.
La RDC renouvelle sa confiance aux institutions africaines et sa
collaboration avec l’ONU. Elle renouvelle sa confiance au Président
Joaô Lourenço de la République d’Angola et au Président sortant du
Kenya, Uhuru Kenyatta, et les remercie pour leurs efforts afin de
ramener la paix et la sécurité à l’Est de notre pays.
Je vous remercie.