Belgique : l’ambassadeur du Rwanda indésirable

Déclaré persona non grata et expulsé de Kinshasa en novembre 2022, l’ambassadeur Vincent Karega du Rwanda vient de connaître le même sort en Belgique. Nommé ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire en mars 2023 par le Chef de l’Etat rwandais, Paul Kagame, son
représentant auprès du Royaume de Belgique est frappé par un refus d’accréditation après quatre mois de flottement. La décision a fait le tour des médias et des chancelleries tant occidentales qu’africaines tout au long de la journée d’hier.

        A en croire des sources diplomatiques, le gouvernement belge se serait senti froissé par la désignation unilatérale de Vincent Karega en qualité d’ambassadeur, sans consultation préalable entre Bruxelles et Kigali, en vue d’un compromis, conformément aux usages diplomatiques. Etant donné que son prédécesseur, Dieudonné Sebashongore, a déjà quitté son poste, c’est le vide temporaire à la représentation diplomatique rwandaise à Bruxelles, où un Chargé d’Affaires va être certainement occupé à expédier les affaires courantes.
          Les observateurs croient savoir que le refus d’accréditer le diplomatique rwandais serait également lié au souci de Bruxelles de ne pas gâcher les bonnes relations qu’elle entretient avec Kinshasa depuis l’avènement au pouvoir de Félix Antoine Tshisekedi, mais aussi à sa condamnation du soutien du Rwanda au mouvement rebelle M23, coupable de l’occupation militaire de plusieurs localités de l’Est de la République Démocratique du Congo.
        On se rappelle que lors de sa visite officielle à Kinshasa, en juin 2022, le Premier ministre belge, Alexander De Croo, avait martelé que « comme l’Ukraine, la RDC a le droit d’exiger que son territoire soit respecté ». On note aussi que la Belgique se trouve en première ligne des Etats membres de l’Union Européenne ayant initié une résolution concernant des sanctions contre certains officiers supérieurs rwandais. On signale que lesdites sanctions se trouvent sur la table du débat et devraient être rendues publiques incessamment. Il y a lieu de retenir aussi que la Belgique a mené un plaidoyer auprès du Fonds Européen pour la Paix et réussi la mobilisation d’importants moyens financiers destinés au renforcement des capacités de la Brigade de Réaction Rapide des FARDC (Forces Armées de la République Démocratique du Congo).
        S’agissant du cas de l’ambassadeur Vincent Karega, on se souvient qu’il avait été refoulé de Kinshasa à la fois à cause de l’agression de son pays contre la RDC, dans sa partie Est, mais aussi pour avoir banalisé les massacres des populations congolaises commis par des militaires rwandais à l’Est du territoire congolais en 1998. Son tweet faisant état de «l’incohérence entre image et histoire » et de « narratif simpliste» avait suscité un terrible tollé au sein de l’opinion congolaise ainsi que des Ong de défense des droits de homme et de promotion de la démocratie, tant à Kinshasa qu’à Bruxelles.
        Il y a aussi, au passif de Vincent Karega, son passé sulfureux d’exécutant des plans d’élimination physique d’opposants rwandais à l’extérieur, peaufinés à partir de Kigali. C’est lui qui était notamment au cœur de l’assassinat, le 1er janvier 2014, dans un hôtel de Johannesburg, de Patrick Karegeya, ancien chef des renseignements extérieurs rwandais et aussi de la tentative manquée d’assassinat d’un autre opposant en mars 2014 en Afrique du Sud, ce qui lui avait valu son expulsion manu militari de ce pays, où il assumait les fonctions de Haut Représentant du Rwanda.
        On se réjouit, à Kinshasa, du signal fort envoyé par Bruxelles à Kigali, dans le sens de la condamnation de son soutien au M23 et du refus d’accréditer un diplomate ayant la réputation de tueur, par procuration, d’opposants rwandais.

                        LP

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