910 partis politiques : la RDC bat son propre record

Selon les dernières statistiques que vient de communiquer le ministère de l’Intérieur à la Ceni (Commission Electorale Nationale Indépendante), la République Démocratique du Congo compte, en ce mois de juin 2023, 910 politiques agréés. Le pays vient de battre ainsi son propre record, qui était de 394 partis agréés en juillet 2011, à la veille de la convocation de l’électorat pour le second cycle des élections.
        Un observateur étranger, ignorant de la culture politique congolaise, serait tenté de croire que ce foisonnement de formations politiques est le reflet d’une démocratie dynamique, fondée sur la pluralité d’opinions et sur une forte participation des citoyens aux activités politiques. Tel n’est malheureusement pas le cas.  Chez nous, la multitude de partis politiques est liée à plusieurs facteurs, aussi bien financiers, politiques, culturels que sociaux.

Tous à la « République de Gombe »
        Quel est ce Congolais ou cette Congolaise qui ne rêve pas d’habiter la commune de la Gombe, l’une des plus huppées de Kinshasa, et de rouler carrosse ? La « République de Gombe » est devenue l’un des fiefs des bourgeois politiques du pays. L’un des raccourcis pour s’y installer n’est autre que la politique. Dans un Etat où le chômage frappe plus de 80 % de la population active et où le commun de Congolais vit avec moins d’un dollar américain par jour, tous les regards des hommes et femmes qui aspirent à l’enrichissement facile et rapide sont tournés vers les mandats politiques, qui rapportent des émoluments qui défient tous les barèmes salariaux de toutes filières professionnelles. Si l’on en croit le dernier chiffre balancé en son temps sur la place publique par Martin Fayulu, candidat malheureux à la présidentielle de décembre 2018 et député national élu ayant cédé son mandat à sa suppléante, la rémunération mensuelle d’un membre de l’Assemblée nationale serait de 21.000 dollars américains. Contesté,
du bout des lèvres, par quelques députés pro Union Sacrée de la Nation, ce chiffre était confirmé par Delly Sesanga, lui aussi député national siégeant actuellement au Palais du peuple. Ce dernier avait nuancé son point de vue en parlant de l’enveloppe fixe assortie de plusieurs avantages.
        Quoi de plus normal donc que ceux et celles qui aspirent à la bourgeoisie politique se ruent vers le soubassement le plus sûr pour y accéder, à savoir un parti politique. On a beau parler de réduction du train de vie des institutions de la République mais dans les faits, les détenteurs des mandats politiques tiennent toujours le haut du pavé sur la grille nationale des rémunérations, avec des salaires ou émoluments 10 fois supérieurs à ceux des fonctionnaires (professeurs d’universités, magistrats, médecins) ou des technocrates (ingénieurs, informaticiens, pilotes) les mieux payés de la République.

Tout le monde veut devenir « Autorité morale »
        La mode, au sein de la classe politique congolaise, est la montée des « Autorités morales », ces personnalités politiques qui enchainent des mandats politiques depuis 2006 et qui se sont constituées des fortunes colossales qui leur permettent de financer, lors des scrutins, non seulement leur propre candidature mais aussi celles des hommes et femmes qui acceptent de se mettre sous leur « coupe », avec des partis de mallettes, communément appelés « alimentaires ». La politique active congolaise n’est plus une question d’idéologie politique mais
plutôt de militantisme aveugle des candidats aux mandats électifs à la solde des « puissances d’argent ».
        Il est pratiquement exclu, dans les circonstances actuelles, de s’afficher comme candidat indépendant face aux rivaux portés par des lobbies politico-financiers, à Kinshasa comme en provinces. Si en 2006, un candidat pouvait briguer la députation provinciale, la députation nationale ou les sénatoriales sans grands moyens, les choses ont changé depuis 2011, où l’argent est devenu le principal arbitre dans les joutes électorales. Affronter aujourd’hui un
politicien « gestionnaire » de trois mandats (député national, député provincial, sénateur), c’est aller droit à l’échec.

Le Congolais a cessé de « voter utile »
        «Voter utile » est désormais un slogan creux, car le Congolais ou la Congolaise « vote » d’abord pour le candidat ou la candidate qui lui offre, pendant la pré-campagne électorale et la campagne électorale… une « enveloppe », un polo, un pagne, un sac de sel ou de sucre, quelques bouteilles de bières ou de jus, etc. Connaissant la mentalité de leurs concitoyens, des candidats fortunés n’hésitent plus à financer, pour leur électorat, des funérailles, l’achat des câbles électriques, l’aménagement des forages, la construction ou la réhabilitation des écoles, des centres médicaux, des églises, des ponts, des routes, des marchés, des morgues, etc. On en rencontre désormais en grand nombre, prêt à payer les factures d’internement des malades dans les hôpitaux, des mères dans les maternités, etc.
        Les électeurs sont mis dans des conditions psychologiques telles qu’ils se trouvent dans l’obligation de rendre l’ascenseur à leurs bienfaiteurs d’un jour dans les urnes. Ne pas le faire, c’est tomber gratuitement dans le péché.

La catégorie des « intouchables »

        En attendant que le véritable « Etat de droit » soit restauré au pays, beaucoup de compatriotes pensent que pour se protéger contre les antivaleurs de l’administration publique, de la police, de l’appareil judiciaire, le mieux à faire est de se couvrir d’immunités, sous le
statut de député national, député provincial ou sénateur, voire les trois titres à la fois. Et le vécu quotidien nous démontre, chaque jour, que la catégorie des « intouchables » existe réellement au pays. Il s’agit de ces citoyens et citoyennes bénéficiaires des traitements de faveur dans les rouages de l’administration publique, de la police, de la justice, parce que porteurs de titres de parlementaire national ou provincial. Ces « intouchables » sont même capables d’intimider des
fonctionnaires, des policiers, des magistrats et autres citoyens et se permettre certains dérapages.
        Pour les remettre dans les rangs, il faut l’intervention de la « haute hiérarchie ». Tant que le pays ne va pas continuer comme un Etat normal, on ne va pas tarder à franchir la barre de 1000 partis politiques et aller au-delà.

Kimp

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