RD Congo : montée des conflits d’intérêts entre ONG et entreprises

Les chercheurs de l’Institut de Recherche en Droits Humains (IRDH) ont analysé la contestation qui tend à se généraliser contre des projets de développement économique, en République Démocratique du Congo (RDC). Le motif est, notamment, le besoin de prévenir des risques éventuels d’atteinte à l’environnement, de destruction de la biodiversité, la faune et la flore, ainsi que la prévention contre des hypothétiques atteintes aux droits des communautés locales.
En effet, des voix se lèvent contre l’exploitation des blocs pétroliers et gaziers que ce soit au Graben Albertine à l’Est du pays, ou au large du Congo-central, à l’Ouest. De même, il est décrié l’exploitation des forêts du bassin du Congo dans l’Equateur, l’ancienne Province-Orientale ou le Sankuru. La même hargne se
constate contre des barrages hydroélectriques dont Inga3, au Congo-Central, Sombwe et Busanga au Katanga, ainsi que des mines de cuivre/cobalt de la région du Katanga.
Cependant, une certaine opinion accuse de concurrence déloyale des entreprises et des Etats qui prétendent aux mêmes projets, d’être, en même temps, bailleurs des fonds des Organisations non gouvernementales (ONG) environnementalistes. Ci-dessous, l’analyse des éléments constitutifs de ces conflits d’intérêts non déclarés. L’IRDH a pour mission la formation sur des questions spécifiques des droits humains. Face à l’obligation de l’Etat de protéger
l’environnement et les droits des communautés locales, ainsi que du rôle des ONG de les défendre, l’Institut s’acquitte de son devoir pédagogique d’éclairer le public. Les droits des communautés locales, l’environnement, la biodiversité, la faune et la flore font l’objet d’études scientifiques. L’acquisition de leurs connaissances, leur
protection et leur promotion sont règlementées par des normes rigoureuses.
Le présent article vise à donner la possibilité aux trois catégories de parties prenantes, particulièrement aux ONG concernées par les défis environnementaux et des communautés locales, de participer au débat, à l’effort de la recherche scientifique, à l’élaboration des politiques environnementales, renforçant ainsi leur capacité à les mettre en œuvre.
2. ENVIRONNEMENT vs DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE
D’emblée, il convient de noter que la gestion de l’environnement et la promotion du développement économique s’inscrivent dans une logique d’interdépendance. L’une et l’autre sont en interaction dynamique qui devrait être traitée de manière globale et inclusive. Le développement durable tient compte, en amont, des problèmes environnementaux.
Eu égard à l’affirmation du paragraphe précédent, le soulèvement généralisé contre des grands projets de développement économique de la RDC suscite des questions du public et attire l’attention des chercheurs.
Le droit international tendant à protéger l’environnement et les communautés locales exige à l’Etat d’adopter et appliquer des lois exigeant aux entreprises le strict respect des normes environnementales et sociales. Etant donné que tout projet économique provoque des impacts négatifs, les Nations Unies énoncent des accords multilatéraux dont les principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits humains qui constituent un cadre de référence visant à protéger, respecter et réparer les droits humains. Les principes de l’ONU fondent le dialogue, en soulignant qu’il incombe à l’Etat l’OBLIGATION de protéger tous les droits humains. Les entreprises ont la RESPONSABILITE de les respecter. Par la « due
diligence » raisonnable, elles identifient des indicateurs de risques, prennent l’engagement politique de bien les gérer, les atténuer et prévoir la réparation ou la compensation en faveur des victimes. Enfin, la troisième catégorie des parties prenantes, organisées en ONG ou autres formes de communautés locales, défendent ces dits droits, en portant les problèmes y relatifs à la connaissance des décideurs, aux différents échelons de l’Etat.
L’obligation de l’Etat de protéger les droits humains s’entend de faciliter aux parties touchées de recourir aux mécanismes administratifs ou judiciaires de réparation et compensation.
En droit interne, l’environnement et les droits des communautés locales sont protégés par la Constitution et des lois spécifiques. A l’article 53 de la Constitution de la RDC, l’Etat congolais énonce clairement son obligation de protéger l’environnement et la santé de tout un chacun, le droit de chaque individu à un environnement sain et le devoir de celui-ci le défendre.
« Toute personne a droit à un environnement sain et propice à son épanouissement intégral. Elle a le devoir de le défendre. L’Etat veille à la protection de l’environnement et à la santé des populations ».
En rapport avec les activités des entreprises, l’article 54 de la Constitution domestique le principe international de réparation et compensation, en exigeant à ce que tout fait quelconque d’une entreprise, de destruction de la biodiversité, de l’écosystème ou de pollution de l’environnement, résultant d’une activité économique, donne lieu à réparation, en faveur des communautés victimes.
« […] Toute pollution ou destruction résultant d’une activité économique donne lieu à compensation et/ou à réparation. La loi détermine la nature des mesures compensatoires, réparatoires ainsi que les modalités de leur exécution ».
3. ACTEURS DE LA CONTESTATION vs PROMOTEURS DES PROJETS
Les chercheurs de l’IRDH constatent que les acteurs de la protestation sont des ONG congolaises, des ONG des pays d’Europe occidentale ou des Etats-Unis, et des Etats ou organisations paraétatiques de l’Union Européenne ou des Etats-Unis. Les fonds émanent soit des entreprises multinationales qui transitent via des philanthropies ou autres œuvres caritatives, soit des Etats qui utilisent leurs agences des politiques étrangères, appelées aussi agences de développement.
Par contre, les projets mis en cause sont souvent, soit l’œuvre des promoteurs privés congolais, soit des initiatives du Gouvernement congolais, ou encore des capitaux chinois ou indiens. Il se remarque que des projets liés aux Fondations philanthropiques, ceux financés par l’Union Européenne ou les Etats-Unis sont exempts de critique. Tel est le cas de la construction des barrages hydroélectriques dans le parc de Virunga, au Nord-Kivu.
L’analyse observe aussi que de manière générale, les ONG font allusion avec légèreté, sans études approfondies, aux communautés locales, l’environnement ou la biodiversité des faunes et des flores. Les acteurs qui prédisent des violations des droits des communautés locales négligent souvent de donner des faits causaux et des éléments constitutifs desdites atteintes aux droits humains. Ceux qui parlent
des maladies, ne se réfèrent pas souvent aux médecins ni à l’expertise de laborantin, de même que ceux qui parlent de l’environnement n’en ont pas de notion scientifique.
La conséquence des insuffisances méthodologiques des rapports, l’absence de légitimité de la représentation des communautés locales, le manque de rigueur et de qualité scientifique, cause du tort à toutes les parties prenantes. Non seulement que les rapports n’apportent pas d’informations suffisantes aux décideurs, ils sont souvent classés sans suite par leurs rédacteurs. Bizarrement, les
bailleurs des fonds ne contrôlent pas les résultats obtenus par leurs financements ni de la crédibilité des ONG. Cependant, les projets désavoués par un public mal informé amènent leurs promoteurs et l’Etat à les abandonner.
4. COLLABORATION ENTRE ONG ET ENTREPRISES
L’analyse de l’IRDH atteste qu’en matière environnementale et des droits des communautés locales, les entreprises sont soumises à une forte pression du public. De ce fait, elles sont devenues plus regardantes que les ONG.
Les entreprises ont la capacité financière à la hauteur de leurs ambitions, quand les ONG dépendent des financements conditionnés des bailleurs. Lorsque les deux s’engagent à étudier un site d’exploitation, la rigueur des premières commencent par le recrutement des scientifiques hautement qualifiés, tandis que les ONG se contentent d’un personnel non qualifié.
Les entreprises financent plus d’études scientifiques transversales,
dans les secteurs qui intéressent leurs affaires, notamment en géologie, écologie, biodiversité, environnement et droits des communautés locales. Contrairement aux ONG qui se contentent des services minimums gratuits, selon l’humeur ou la bonne foi des personnes rencontrées.
L’IRDH constate aussi que les origines des financements de la contestation sont retracées vers la concurrence commerciale en Occident. Et les projets mis en cause sont en grande partie des capitaux chinois qui tendent à contrôler la production de l’énergie électrique, en plus de l’exploitation minière congolaise.

5. CONCLUSION
L’IRDH recommande aux ONG une adaptation stratégique de leurs activités. A l’instar d’Alternative Mining Idamba qui dialogue avec le secteur privé et les organes de l’Etat, les acteurs congolais du secteur de l’environnement, de l’énergie et des communautés locales devraient développer des initiatives qui leur permettraient d’accéder aux sites généralement lointains et périlleux, ainsi qu’à l’expertise généralement rare et chèrement financée par les entreprises.
Afin d’échapper à la manipulation de la concurrence commerciale, les ONG congolaises devraient se focaliser sur des domaines qu’elles maîtrisent. Elles ne devraient plus se contenter d’un personnel au rabais, sans expérience ni qualité, duquel elles attendent des rapports détaillés qui engageraient des intérêts des Etats, des entreprises et des communautés locales.
Aux bailleurs des fonds, les chercheurs de l’IRDH recommandent d’accroître leurs budgets de formation spécialisée des universitaires dans les domaines sophistiqués comme ceux de l’énergie, l’environnement, la biodiversité et des communautés locales. Il est plus crédible de financer des universités ou des groupes d’experts à réaliser des études utiles à l’humanité toute entière que de soutenir des personnes inexpérimentées à produire des rapports sans lendemain,
dans le seul but de détruire la concurrence commerciale.
Les bailleurs des fonds devraient aussi accroître de rigueur dans la sélection d’ONG bénéficiaires de leurs financements. Il est préférable d’auditer au préalable les prétentions des bénéficiaires, que de financer des ONG prétendant maîtriser tous les domaines. Le contenu d’un rapport reflète l’image et l’intérêt du bailleur des fonds. Que les entreprises financent aussi systématiquement et formellement
les recherches approfondies, afin de contrebalancer ou contre vérifier les contestations financées par la concurrence. Et, qu’elles amplifient leurs propres mécanismes de promotion et protection de l’environnement et droits des communautés locales.
A l’Etat congolais de publier régulièrement ses propres études d’impact environnemental et social, à travers des universités congolaises et ses services publics. Une telle politique préviendrait de subir la pression d’ONG et médias occidentaux.
L’Etat devrait mettre à jour des mécanismes légaux, administratifs
et judiciaires qui l’alerteraient sur ses obligations de respecter et
faire respecter les droits des communautés locales et l’environnement.
Maître TSHISWAKA
MASOKA Hubert

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