Marchés «pirates» à Kinshasa : ces mines d’or difficiles à fermer !

Comme si la tragédie de Matadi Kibala appartenait déjà au passé, les marchés pirates continuent de fonctionner à travers la ville de Kinshasa, en dépit de la décision du Conseil des ministres faisant injonction au gouverneur de la ville de les fermer tous ceux qui fonctionnent sur les voies publiques. Même celui de Matadi Kibala, fermé le plus officiellement du monde depuis plus de deux semaines, continue d’enregistrer des foyers de résistance. S’il est vrai que la fermeture des marchés pirates va priver des milliers de familles kinoises des moyens de survie au quotidien, l’autre face du problème est qu’il y a un choix à faire entre la protection des vies humaines et le petit business à hauts risques. Par conséquent le temps ne devrait plus être à l’attentisme face au danger permanent que représente la vente des denrées alimentaires et autres produits de premières sur les voies publiques.

            Il a été donné d’apprendre que les différents bourgmestres de Kinshasa devraient exécuter un moratoire de trois jours, qui a largement expiré le dernier week-end, pour débarrasser les différentes artères de la capitale des vendeurs et vendeuses qui ont pris l’habitude de disputer parkings, arrêts, trottoirs et parfois des pans entiers des routes asphaltées aux automobilistes. Le problème de fond, dans la difficulté de traduire en acte la volonté du Chef de l’Etat et du gouvernement d’éviter le plus possible des accidents de circulation ayant pour victimes des vendeurs et vendeuses des marchés pirates se trouve être la crainte, pour l’administration urbaine et les administrations municipales de perdre de plantureuses recettes que génèrent lesdits lieux de négoces en termes de taxes incontrôlables et incontrôlées.

            En effet, contrairement aux apparences chaque marché dit « pirate » est fiché soit à l’Hôtel de ville, qui le place sous la responsabilité d’un « Administrateur », soit par la commune, qui s’organise pour y collecter des taxes par le biais des fonctionnaires voire des journaliers au service exclusif du bourgmestre. En réalité, l’ingrate tache qui est demandée au gouverneur de la ville de Kinshasa et à ses bourgmestres, c’est de fermer les « mines d’or » qui assurent leur réelle autonomie financière vis-à-vis du pouvoir central. C’est la mort dans l’âme que le gouvernement provincial de Kinshasa comme les responsables des exécutifs municipaux sont contraints de mettre fin à l’existence des « régies financières » qui ne disent pas leurs noms mais dont les recettes étaient pratiquement impossibles à retracer.

            Ce sont les excroissances des marchés pirates telles que celles du rond-point Ngaba, de Selembao sur 24 novembre, de Kintambo/Magasins, de l’UPN, Delvaux, Anciens Combattants à Ozone, Pompage, de Rwakadingi, Kato, Lac Moero, Itaga, Type K, Zigida, Mariano, Pascal, Kingasani ya Suka, Indou, de Moulaert, de Matete/terminus, du pont Matete, de Ndolo et ses différents de petits ports… qui font le bonheur des bourgmestres de Kinshasa et de l’Hôtel de ville. La douloureuse épreuve leur imposée par le gouvernement central risque, si l’on y prend garde, d’être torpillée à court terme, à travers des demi-mesures habituelles consistant à les fermer momentanément et à les rouvrir une fois que l’émotion suscitée par les morts de Matadi Kibala aura été digérées comme ce fut le cas pour Type K après la boucherie du 8 janvier 1996 avec un bilan macabre de plus de 500 personnes écrasées par un Antonov.

            Les activités marchandes ont repris, après une impasse d’une dizaine d’années, comme si rien ne s’y était passé il y a 26 ans.

            Les Kinoises et Kinois, qui n’ont pas la mémoire courte, ont encore frais fraiches dans leurs esprits, les images des campagnes des démolition de kiosques, tables, chaises en plastique et de saisies des marchandises dans les places marchandes jugées impropres au commerce. Plus d’une fois rasés, ces marchés pirates ont toujours repoussé, quelques semaines ou mois plus tard, dans leurs sites antérieurs. Le cas de Matadi Kibala va-t-il constituer le détonateur pour l’aménagement des marchés sécurisés à Kinshasa ? La réponse appartient aux tubes digestifs de tous ceux qui vivent des recettes non retracées desdits marchés.

Kimp

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