Fatshi-Sarkozy: la France toujours mal vue en RDC

L’ancien président français, Nicolas Sarkozy, en visite privée de 24 heures à Kinshasa, a partagé un dîner d’amitié avec le Chef de l’Etat congolais, Félix Antoine Tshisekedi, le mercredi 22 mars 2023 dans la soirée, au Palais présidentiel du Mont-Ngaliema. La présidence congolaise a tenu à souligner le caractère strictement privé de cette visite et à lever toute équivoque au sujet d’une prétendue mission de bons offices de Sarkozy entre Tshisekedi et Kagame. La précision valait son pesant d’or car la France est toujours mal vue au sein de l’opinion interne congolaise, à cause essentiellement de sa position ambiguë face à l’agression armée dont la partie Est de la RDC est l’objet de la part du Rwanda, qui continue de se cacher derrière le M23.

        Le président français, Emmanuel Macron, dont beaucoup de Congolais attendaient impatiemment, lors de son séjour à Kinshasa (3-4 mars 2023), un changement de discours dans le dossier de la guerre de l’Est, a laissé derrière lui un amas de déceptions. Aussi l’annonce de la venue à Kinshasa de l’un de ses prédécesseurs à la présidence de la République française (2007 – 2012), Nicolas Sarkozy, a-t-elle été accueillie comme une nouvelle  atteinte à une profonde plaie qui peine à se cicatriser. Cette plaie, rappelons-le, remonte à l’époque de la « Turquoise » – l’initiative controverséé de la France et de la communauté internationale (1994) ayant favorisé le déversement massif et désordonné des réfugiés Hutu rwandais au Nord-Kivu- source des malheurs sécuritaires de la RDC depuis près de trois décennies.
        Si cela ne dépendait que du commun de Congolais, cette visite aurait été purement et simplement rayée de l’agenda du président Félix Antoine Tshisekedi, sans autre forme de procès. Mais comme pour jeter de l’huile sur le feu, « Africa Intelligent » n’a trouvé mieux que d’inscrire le passage de Sarkozy à Kinshasa dans la droite ligne des initiatives secrètes de médiation entre le Chef de l’Etat congolais et son homologue rwandais. Sarkozy médiateur entre Kinshasa et Kigali, alors que le régime de Paul Kagame occupe militairement des pans entiers des terres du Nord-Kivu, sur fond de pillages de ressources naturelles, de massacres de civils et de violations graves des droits de l’homme ? Il n’en fallait pas plus pour chatouiller les nerfs des millions de Congolaises et Congolais.
        La porte-parole de la présidence de la République Démocratique du Congo s’était empressée, peu avant l’arrivée de Sarkozy à Kinshasa, de souligné que l’intéressé ne venait pas à l’invitation de Félix
Tshisekedi et qu’il n’était nullement mandaté pour une médiation entre Kinshasa et Kigali. Les observateurs pensent que le silence qui a suivi le dîner entre les deux personnalités est à considérer comme la preuve qu’il n’y avait « rien à signaler » en marge de leur rencontre.
        La cellule de communication de la présidence de la République congolaise a du reste rappelé, à ce propos, que ce n’est pas la première fois qu’une personnalité française ayant exercé de hautes charges d’Etat séjourne en terre congolaise. C’était le cas avec l’ancien président François Hollande (2012-2017) en septembre 2022 à Kinshasa et Bukavu et au début de la semaine en cours avec le Premier ministre honoraire Jean-Pierre Raffarin, qui venait d’échanger avec le Chef de l’Etat, les présidents de deux chambres du Parlement, le Premier ministre, le président de la Ceni et d’autres acteurs politiques et sociaux, à la tête d’une délégation de la Fondation des Leaders de la Paix, regroupant d’anciens chefs d’Etat et chefs de gouvernement.
        Il est à espérer que la page Sarkozy va être rapidement tournée dans la mémoire collective congolaise, surtout que le précité porte la lourde responsabilité d’avoir préconisé, entre autres solutions à la crise sécuritaire de l’Est, l’impératif pour la RDC de partager ses richesses avec ses voisins, dont le Rwanda, au motif que les Congolais ne seraient pas suffisamment outillés pour les gérer. De là à considérer Sarkozy comme un oiseau de mauvais augure, il n’y a qu’un pas, vite franchi par des millions de patriotes congolais.

LP

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