Fatshi : le dernier virage pour consolider les acquis

Le Chef de l’Etat, Félix Antoine Tshisekedi, a entamé à partir de ce mercredi 25 janvier 2023 à minuit, la cinquième et dernière année de son quinquennat. Son premier mandat est jugé largement positif ou négatif selon que l’on se trouve côté pile ou côté face. La question de fond à se poser est de savoir de quel actif ou passif a-t-il hérité de son prédécesseur, Joseph Kabila Kabange, dont le règne s’est étendu sur 18 ans (2001-2019). On peut retenir, de mémoire, comme principaux paramètres de comparaison, la situation sécuritaire, les droits de l’homme, le budget national, les infrastructures de base, le social, santé, éducation.

Situation sécuritaire : héritage de Mobutu, LD Kabila et Joseph Kabila

La situation sécuritaire reste volatile, surtout dans la partie Est du pays, en dépit des moyens politiques, diplomatiques, logistiques, humains et financiers consentis par le nouveau pouvoir en vue d’y ramener une paix durable. On peut tout reprocher à Félix Antoine Tshisekedi, sauf de ne s’être pas investi corps et âme pour que les filles et fils de cette partie de la République rompent avec la spirale des violences.
Beaucoup ont sérieusement critiqué les randonnées diplomatiques du Président de la République en Afrique, en Europe, en Asie et aux USA, dans sa soif de plaider la cause de la paix à l’Est, en réclamant des pressions internationales sur le Rwanda, afin qu’il cesse son soutien au mouvement terroriste M23, mais c’est sans compter avec la volonté de son homologue Paul Kagame de ne pas s’inscrire dans la logique de la paix.
Certains acteurs politiques, comptant sur l’ignorance, par quelques compatriotes, du passé commun du pays, se permettent d’insinuer que l’absence d’une paix durable en Ituri, au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, serait de la responsabilité du Chef de l’Etat actuellement en fonction. Pourtant, un bref regard dans le rétroviseur de l’histoire nous renseigne que nos malheurs remontent à 1994, lorsqu’après l’abattage de l’avion du président Habyarimana et la chute de son régime, des milliers de réfugiés Hutu avaient traversé la frontière pour trouver refuge en territoire congolais.
Mais la grande infiltration du pays était intervenue en 1996-1997 avec la guerre de l’AFDL, appuyée par le Rwanda, contre le régime Mobutu et plus tard l’entrée massive des Rwandais dans les institutions de la République, l’armée, la police et les services de renseignements, sous celui de Laurent Désiré Kabila (1997-2001), renforcée par le partage équitable et équilibré du pouvoir, au terme du Dialogue inter congolais, entre le régime de Joseph et des mouvements rebelles, dont le RCD/Goma (Rassemblement Congolais pour la Démocratie), entièrement pro-rwandais. Le « brassage » et « mixage » entre soldats, policiers et agents de renseignements congolais et rwandais étaient l’apothéose de la désintégration du système national de défense, dont les effets négatifs plombent jusqu’aujourd’hui toutes les initiatives de paix à l’Est du pays. Le nettoyage des écuries exige un temps suffisamment long, après plus de deux décennies d’insécurité.

Droits de l’homme : libération des prisonniers emblématiques

Certes, il est difficile d’éliminer, en l’espace de quatre ans, toutes les pesanteurs qui favorisaient les violations délibérées et répétées des droits de l’homme en République Démocratique du Congo. Selon les récentes statistiques du Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme, les violations ont connu un sérieux recul depuis l’avènement de Félix Tshisekedi à la magistrature suprême du pays. S’il y a des images fortes qui se bousculent encore dans la mémoire collective congolaise, on peut citer la libération en chaine des prisonniers politiques « emblématiques », notamment Franck Diongo, Jean- Claude Muyambo, Firmin Yangambi, Eugène Diomi Ndongala ainsi que le retour d’exil de Moïse Katumbi, Antipas Mbusa Nyamwisi, Olivier Kamitatu, Francis Kalombo, pasteur Mukungubila, pour ne citer qu’eux.
L’autre mesure forte annoncée par le 5me président de la République Démocratique du Congo était l’humanisation des services de sécurité. On peut souligner, à ce propos, que le temps des interpellations sans tête ni queue est révolu, même si quelques dérapages persistent.

Budget : des bonds « historiques »

L’augmentation exponentielle du budget national, après la rupture entre la coalition FCC/CACH (Front Commun pour le Congo et Cap pour le Changement) constitue, sans contexte, un des faits notables de la mandature de Félix Antoine Tshisekedi. Figé à moins de 6 milliards de dollars américains jusqu’en décembre 2021, le budget national de la RDC était passé du simple au double pour l’exercice 2022, soit environ 12 milliards de dollars, avant d’opérer une nouvelle envolée vers 16 milliards de dollars pour l’exercice 2023.
Selon les perspectives d’avenir, les ressources financières internes pourraient prendre de nouveau l’ascenseur après 2023, si les projets d’exploitation des blocs pétroliers du Lac Albert et de la Côte Atlantique, de production des batteries électriques pour véhicules en synergie avec la Zambie, de construction du Grand Inga, d’aménagement du port en eaux profondes de Banana venaient à prendre corps d’ici deux à trois ans et que les régies financières (DGDA, DGI, DGRAD) arrivaient à fermer hermétiquement les vannes des évasions des recettes douanières, fiscales et administratives.
Des millions de Congolaises et Congolais ont, au moins, découvert le pot aux roses :
plusieurs milliards de dollars disparaissent dans la nature, pour aller gonfler les poches des inciviques, nationaux comme étrangers.

Infrastructures : en route pour l’interconnexion des provinces

La politique des grands travaux, inaugurées par le Chef de l’Etat, sous le label du programme intermédiaire des « 100 jours », vise l’interconnexion du pays. De nouvelles routes, asphaltées ou en terres battues, sont en train de relier les villes et les grandes agglomérations du pays, à l’Est, au Nord, au Centre, à l’Ouest comme au Sud. A ce jour, plusieurs chefs-lieux du pays sont reliés par des routes asphaltées : cas de Kinshasa et Matadi, ainsi que de Kinshasa, Kenge, Tshikapa, Kananga, Lubumbashi et Kolwezi, Bukavu et Goma, Kisangani, Isiro et Buta. Avec le Programme de Développement de 145 Territoires, l’interconnexion routière, ferroviaire, fluviale et aérienne devrait être réalisée entre la capitale et le reste du pays à l’horizon 2028, terme d’un éventuel second mandat de l’actuel Chef de l’Etat.

Social : héritage empoisonné

Le social constitue, à n’en point douter, un authentique héritage empoisonné laissé à Félix Antoine Tshisekedi par ses prédécesseurs, de Mobutu à Joseph Kabila, en passant par Laurent Désiré Kabila. Ici, tout est à refaire : la création d’emplois, l’amélioration des conditions de vie de la population, et notamment celles des fonctionnaires, soldats, policiers.
Tout est à refaire également dans les secteurs de la santé, de l’éducation, du transport, de l’agriculture, de l’électricité, de l’eau potable, etc.
On peut toutefois ne pas citer la « gratuité » de l’enseignement de base comme un des grands acquis de la politique sociale du régime des « Warriors ».
L’année 2023 devrait être celle de la consolidation des acquis sécuritaires, diplomatiques, sociaux, économiques, financiers et autres du quinquennat de Félix Antoine Tshisekedi, avant l’abordage des élections. Bien qu’il reste encore beaucoup à faire, il a au moins posé de solides jalons de la marche de la RDC sur le chemin de l’émergence.

Kimp

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *