Bien organisée, la Commission Electorale Indépendante parallèle (CEIP) sera une tour citoyenne de contrôle des élections. Les membres de cette structure alternative seront des bénévoles à probité morale avérée, provenant de différentes structures de la société civile, avec pour socles les églises, à travers les cellules de base et autres structures locales selon les confessions religieuses, annonce le professeur Thierry Nlandu Mayamba, enseignant à la faculté des Lettres à l’Université de Kinshasa et membre du Comité laïc de coordination (CLC).
L’année 2023 commence peu à peu à livrer ses principales recettes. La société civile, qui se dit consciente de l’intransigeance délibérée de l’actuelle CENI et l’insouciance de ses dirigeants, travaille dorénavant sur un projet de surveillance électorale professionnalisée. Elle entend mettre en place une structure de haut niveau d’observation et suivi des opérations électorales à tous les niveaux. «La Commission Electorale Indépendante Parallèle (CEIP) aura pour entre autres missions de concevoir le plan et les activités de pression à exercer sur les gouvernants, la CENI et les opposants» révèle le professeur Thierry Nlandu Mayamba dans une tribune rendue publique le mercredi 11 janvier 2023. Cette structure parallèle à la CENI se chargera également d’élaborer “le programme d’éducation civique et électorale, les stratégies concrètes et appropriées de lutte contre la fraude électorale avant, pendant et après les élections et le calendrier des différentes actions citoyennes pour des élections transparentes”. En amont de sa mise en activité, cette Commission Electorale Indépendante Parallèle peaufinera le profil des acteurs et actrices devant être portés candidats et candidates à tous les niveaux des scrutins attendus à la fin de cette année. Des acteurs que la société civile portera solidement au pouvoir sans tenir compte de leurs partis et regroupements politiques.
Thierry Nlandu Mayamba indique que les partis politiques ont démontré leurs limites et ne sont que fictions au service de leurs autorités morales. Le recrutement des membres de cette CENI parallèle privilégiera des personnalités réellement influentes et actives au niveau des cellules de base, paroisses, quartiers, villages, chefferies et autres collectivités de la République démocratique du Congo. “Le succès de cet engagement dépendra de son caractère bénévole et non violent” , ajoute le professeur Nlandu.
Lutte acharnée contre la fraude électorale
La fraude électorale n’est possible que si la victime devient complice du fraudeur, dit-on à la société civile. Thierry Nlandu Mayamba note que depuis 2006, le scénario est resté le même, immuable. Il s’agit du combat pour une Commission électorale réellement indépendante. “Depuis toujours, les débats autour de la CENI posent, avant tout, la question de l’indépendance de ladite commission”, déclare cet éminent acteur de la société civile. Au regard de sa composition, “la CENI a toujours été une commission indépendante du peuple et dépendante des composantes politiques, toujours majoritaires en son sein”, explique-t-il. Et d’argumenter qu’au regard de sa composition, les regroupements politiques se sont toujours taillé la plus grosse part alors que la société civile, qui est censée assurer l’indépendance de cette commission, a toujours été minoritaire. À la question de l’indépendance de la CENI s’ajoute celle de l’indépendance même de la société civile, qui affirme que sa présence en grand nombre au sein de cette commission garantirait l’indépendance de cette même institution d’appui à la démocratie. “Mais, ayant hypothéqué sa propre indépendance en se rangeant derrière telle ou telle composante politique depuis la Conférence nationale souveraine et le dialogue intercongolais, la plupart des animateurs de la société civile, qui réclament l’indépendance de la CENI, ne haussent souvent le ton que quand ils se retrouvent sur la liste des nombreux oubliés du partage du gâteau national” , apostrophe l’universitaire. Ainsi, suggère-t-il, une pression non violente sur les acteurs de la société civile, membres de la CENI.
Exercer une pression non violente sur le président de la CENI
Le peuple en action doit se dresser en sentinelle de l’action du président de la CENI, estime responsablement le professeur Thierry Nlandu Mayamba. Visant très directement le président de l’actuelle CENI, Denis Kadima Kazadi, Thierry Nlandu affirme : “Notre rôle sera de lui répéter régulièrement la relation qu’il doit maintenir entre sa technicité et l’éthique de son agir. Aujourd’hui, le peuple est devant un fait accompli. Il est le président de la CENI. À lui, au quotidien, de nous montrer que le technicien de renommée internationale est à même d’offrir à ce pays ses premières élections transparentes et crédibles.
Dans le cas contraire, notre technocrate sera celui qui portera la triste responsabilité de la mort de la CENI comme institution électorale, car, je doute fort que la CENI survive à ce dernier scandale” . Pour le professeur Thierry Nlandu Mayamba, il faut que l’actuel président de la CENI prenne conscience de ses responsabilités. Cette éminence grise de la société civile met Denis Kadima en garde et déclare qu’il sera triste pour lui et toute sa progéniture s’il devait, si jeune, terminer sa si belle carrière professionnelle internationale d’hier par le désaveu de tout le peuple demain. “À nous, peuple congolais de rester pro-actif.
Aux frères et sœurs de la société civile ainsi que tous ceux qui, en interne, sont soucieux du nouveau management de la CENI d’aider les activistes pro-démocratie pour participer activement à l’émergence d’une nouvelle CENI, au-delà de la métaphore du nouveau logo “, a-t-il courageusement exhorté.
Election sous haute tension de Denis Kadima comme président de la CENI
“Comme dans les assemblées provinciales, les futurs gouverneurs ainsi que le futur président de la CENI sont désignés par le clan de l’autorité morale au pouvoir et entérinés par les députés provinciaux ou les chefs des confessions religieuses moyennant des pièces sonnantes et raisonnantes ou des dons en argent, pour faire plus spirituels” , rappelle-t-il. Toutes ces acrobaties consacrent une élection tumultueuse qui prive le président de la CENI de la confiance dont il devrait jouir de la part de toutes les parties prenantes aux élections tout au long du processus électoral. D’où, cette question pour le président élu de la CENI de savoir comment il compte s’y prendre pour créer un climat de confiance entre lui et tous les acteurs impliqués dans le processus électoral. C’est là que s’invite le défi éthique pour Denis Kadima.
“Pour retrouver la confiance de toutes les parties prenantes aux élections et surtout du peuple congolais, le président de la CENI n’a pas d’autre alternative. Il doit relever le défi permanent et toujours actuel qu’impose l’exercice des fonctions publiques dans notre pays”, mentionne Thierry Nlandu. Le président de la CENI est entre le marteau et l’enclume. Il doit, à chaque décision, choisir entre la soif de l’avoir, de l’argent, des honneurs et le must de l’être. Chaque acte posé par lui sera un exercice de grande exigence éthique pour que son mandat ne soit pas qu’un suicide individuel et institutionnel comme les mandats de tous ses prédécesseurs à la tête de cette institution. Il lui faudra avoir le courage et la dignité qui leur ont fait défaut ; un manque qui a profondément terni la noble mission qui leur avait été confiée. Conscient de ce qui précède, Denis Kadima accueillera alors la pression du peuple et des autres acteurs comme une contribution à la construction de son être et de notre être collectif. “À lui donc de relever le défi éthique ou de mourir au propre comme au figuré” , conclut Thierry Nlandu Mayamba.
Déjà la mobilisation pour la vérité des urnes
À ce stade, Thierry Nlandu Mayamba met sur la table une seule grande stratégie. Il s’agit, d’après lui, “d’apprendre de nos erreurs passées” . C’est un secret de polichinelle que de ne pas reconnaître que l’erreur de la mobilisation pour la vérité des urnes lors des élections de 2018 est venue de la démobilisation des manifestants par la hiérarchie de l’Église catholique, lorsque, à tort ou à raison, elle décidera d’arrêter toute manifestation à partir de ses paroisses. “Sans appui populaire, les déclarations et autres manifestations sporadiques pour la vérité des urnes n’étaient que trompe l’œil pour se donner bonne conscience aux yeux d’une population désabusée”, rédige encore Thierry Nlandu. Ainsi, fort des résultats compilés par la CENI parallèle et confirmés par ceux des missions d’observation électorale, “il faudra devancer la CENI officielle pour attendre de celle-ci la confirmation des résultats” , dit Thierry Nlandu. Une fois la CENI parallèle aura annoncé les résultats, sans violence, le peuple inondera les rues pour célébrer le vainqueur des élections de 2023. “S’il y a un candidat qui devra se rendre à la Cour constitutionnelle ; ce sera, cette fois-ci, celui que la CENI officielle tentera de proclamer vainqueur face à un peuple mobilisé localement et sur le plan international, comme lors des dernières marches du CLC”. Le pouvoir en place et les lobbies qui le soutiennent ne pourront avoir comme issue de sortie que d’accepter la vérité des urnes et de laisser le peuple savourer une énième victoire sur sa route vers la démocratie.
L.P