Fayulu – Matata – Mukwege : un attelage troublant!

Il n’est pas interdit à un citoyen congolais d’avoir des ambitions politiques,
même pour le haut sommet de l’Etat, surtout en cette période d’une pré-campagne
électorale qui ne dit pas son nom. Il est donc normal que ceux qui se sentent des
atomes crochus, dans l’arène politique, prennent le même attelage. C’est
apparemment le cas du candidat malheureux à la dernière élection présidentielle,
Martin Fayulu Madidi, de l’ancien Premier ministre et ci-devant sénateur, Augustin
Matata Ponyo Mapon, et de l’ancien Prix Nobel de la Paix, le célébrissime gynécologue
Denis Mukwege.

Dans une déclaration commune rendue publique hier lundi 26 décembre 2022, le trio a troublé de nombreux esprits par un discours qui appelle plusieurs observations. Plus d’un Congolais s’interroge sur le choix, par le technocrate Mukwege, de deux alliés politiques qui ont un passé dans les institutions de la République. En principe, pour être liés de loin ou de près à l’insécurité, aux violations des droits de l’homme, à la coloration politique de la Ceni, aux procès politiques, à la mauvaise gestion de la res publica, par leur silence complice ou leur participation active, Martin Fayulu et Matata Ponyo auraient dû juger l’actuel pouvoir en place avec un maximum de retenue, sinon d’objectivité.

De Matata Ponyo
Il est surprenant que Matata Ponyo puisse pointer un doigt accusateur sur l’actuel pouvoir dans le dossier de l’insécurité récurrente à l’Est du pays, dans l’occupation de plusieurs localités par les terroristes du M23, dans la prétendue alliance entre Kinshasa et Kigali. Qu’il plaise à l’opinion de rappeler à ce sénateur qu’il était Premier ministre, Chef du gouvernement, lors de la prise et de l’occupation de la ville de Goma en novembre 2012. Qu’il se souvienne que c’est son ministre des Affaires Etrangères, Raymond Tshibanda, qui avait signé, avec le M23, les accords de Kampala, accordant une amnistie générale aux officiers et combattants de ce mouvement rebelle, leur intégration, avec leurs grades, au sein des FARDC, la nomination de leurs cadres politiques au sein des institutions nationales et provinciales, des entreprises publiques, le paiement des indemnités aux cadres politiques comme aux officiers de M23 pour leurs biens détruits durant les affrontements avec les FARDC, etc.
S’agissant du secteur des droits de l’homme c’est sous Matata que des dizaines des manifestants avaient été massacrés en janvier 2015 pour avoir protesté contre la révision constitutionnelle et le recensement préalable de la politique avant les élections qui auraient dû avoir lieu en décembre 2016. C’est toujours sous Matata que plusieurs opposants politiques, notamment Jean Claude Muyambo, Franck Diongo, Firmin Yangambi, Eugène Diomi Ndongala… étaient arrêtés, condamnés au terme de jugements iniques et jetés en prison. Combien des martyrs de la démocratie avaient été massacrés sous le mandat de Matata à la Primature, de 2012 à décembre 2016 ?

Son nouvel allié par accident, Moïse Katumbi, avait dû prendre le chemin de l’exil, après avoir échappé à plusieurs attentats, et un procès dont tout connaissant l’issue avant le verdict, au motif qu’il était contre le fameux « troisième penalty » de Joseph Kabila, son ancien mentor au sein du PPRD (Parti du Peuple pour la Démocratie et le Développement) et de la MP (Majorité Présidentielle)Celui qui se fait passer pour un grand « démocrate » avait accepté de « glisser » avec l’ancien Président de la République, Joseph Kabila, n’eut été son remplacement par Samy Badibanga, après la messe noire pilotée par feu Edem Kodjo.

Pour ce qui est de son procès, dans l’affaire des présumés détournements des fonds en rapport avec le financement du projet agro-industriel de Bakanga Lonzo, d’aucuns pensent que l’unique moyen de le laver de tout soupçon serait sa tenue. Si les vrais coupables du gâchis financier existent, ils seront démasqués devant la barre. Dans un Etat de droit, les innocents ne s’autoproclament pas comme tels. C’est à la justice de dépoussiérer un dossier qui fait couler trop d’encre et de salive.

S’il y a un autre rappel à faire, sous le mandat de Matata, c’est la tentative d’assassinat du Dr Denis Mukwege, dans sa résidence de Bukavu, un certain 25 octobre 2012, avec Matata comme chef du gouvernement. C’est finalement un de ses domestiques qui avait payé à sa place. C’est un secret de polichinelle que de souligner le coup venait de l’ancien pouvoir en place, car ce gynécologue ne cessait de les accuser de complicités avec les forces négatives.

Pour sauver sa peau, Dr Denis Mukwege était parti en exil en Belgique, avant de revenir plus tard se mettre sous la protection des casques bleus de la Monusco.

A propos de Martin Fayulu

On rappelle qu’il avait été élu député national en 2006 puis en 2011, pendant que l’insécurité continuait de battre son plein à l’Est de la République, que les manifestations publiques étaient réprimées dans la violence et lui-même plusieurs fois arrêté et battu par la soldatesque de Joseph Kabila, qui est devenu subitement son allié naturel pour les scrutins de 2023. Tout le monde se souvient de ses démêlées avec les forces de sécurité, quand il battait compagne, à travers les quartiers de Kinshasa, contre le troisième mandat du Raïs, sous célèbre slogan : « Touche pas à mon 220 », allusion faite à cet article de la Constitution interdisant un troisième mandat au Président de la République.
Pour avoir vécu dans sa chair d’opposant les assassinats de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana en 2010, d’Armand Tungulu en 2012, de Kapangala Déchade en décembre 2016 et Rossy Mukendi en 2017, cet acteur politique aurait pu tout se permettre, sauf s’allier avec des kabilistes. N’est-ce là trahir la mémoire de ces martyrs de la démocratie.

Quant à l’exigence d’une Ceni indépendante et à la transparence dans le processus d’enrôlement et d’identification en cours, on se souvient que Martin Fayulu s’était porté candidat à la magistrature suprême du pays en dépit de la présence de la machine à voter dans les kits électoraux. Foncièrement opposé à son usage, c’est seulement à une semaine des scrutins qu’il avait effectué un virage à 180° pour l’agréer. Les Congolais vont-ils avoir, en 2023, des élections libres, transparentes et apaisées? Le mieux à faire, c’est de laisser le temps au temps.

A propos du Dr Mukwege

Dr Denis Mukwege ne peut pas invoquer l’ignorance dans son choix de l’attelage qu’il vient de former avec Fayulu et Matata. Ce qui intrigue l’opinion c’est de leur voir charger l’actuel pouvoir dans le dossier de l’insécurité de l’Etat et faire chorus avec ceux qui exigent la levée de l’état de siège. N’est-ce pas de l’opportunisme que d’exiger le retrait duM23 de toutes les localités occupées alors que c’est justement un des points névralgiques des résolutions de Luanda et de Nairobi ? Pour ce qui est de la dénonciation de l’agression rwandaise, le trio qu’il vient de former avec Matata et Fayulu n’ignore pas l’actuel Chef de l’Etat, Félix Antoine Tshisekedi était à Luanda, à Nairobi, à Washington avec le président américain Joe Biden, à l’Assemblée Générale de l’Onu à New, à la CEEAC, à la SADC, pour la dénoncer et exiger des sanctions contre le régime de Kigali. Comme résultat, il a non seulement obtenu la condamnation du régime de Kigali par la Communauté internationale, mais également la levée de l’embargo sur l’achat d’armes et de munitions qui frappait la RDC depuis 2008. Si c’est là un échec diplomatique, il y a lieu de redéfinir la notion même de diplomatie.

Kimp

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