Dossier des avions de Bemba : un complot se trame contre la RVA et l’Etat congolais

21.407.000 dollars américains dont 17.239.000 représentant prétendument la valeur marchande de 7 avions de la société Coza Airways appartenant à Jean-Pierre Bemba, 3.168.000 Usd de manque à gagner et 1.000.000 Usd de dommages et intérêts : telle est la substance du jugement sous RC. 119.928 rendu le 06 août 2021 par le Tribunal de Grande Instance de Gombe contre la RVA (Régie des Voies
Aériennes) et l’Etat congolais. Alors que ce jugement est sérieusement contesté, d’abord parce que la RVA n’a posé aucun acte lié à l’immobilisation et la casse de la flotte de l’ancien sénateur et ancien vice-président de la République, ensuite parce que la décision d’évacuation des épaves d’aéronefs radiés ou immobilisés encombrant la plate-forme aéroportuaire de N’Djili avait été arrêtée au cours d’un
Conseil des ministres du 10 juin 2012 et exécutée par le Parquet général près la Cour d’Appel de Kinshasa/Matete, l’on apprend qu’une main noire est en train de faire pression sur les magistrats en charge du dossier pour passer à la phase de son exécution.

En clair, la fameuse main noire vise la saisie- conservatoire des comptes de la RVA en vue d’obliger cette dernière à payer à Jean-Pierre Bemba les millions de dollars lui alloués à travers la fameuse décision judiciaire. Il y a lieu d’avouer que par ces temps où les gestionnaires de la RVA se débattent pour sortir celle-ci de sa
précarité financière, notamment à travers la politique de modernisation des aéroports et aérodromes ainsi que de leur équipement par des instruments d’aide à la navigation aérienne de dernière génération et de sécurisation des vols, soutirer plus de 21 millions de dollars de ses comptes serait signer son arrêt de mort, sans autre forme de procès.
Réclamer des millions de dollars à la RVA, à travers un jugement inique, qui sent la magouille, c’est assener un coup dur à l’Etat congolais, qui ne lésine pas sur les moyens pour la hisser au standard de firme de premier rang dans la gestion des aires de décollage et d’atterrissage à travers la République. Pourtant, dans leurs moyens de défense devant le Tribunal de Grande Instance, le panel d’avocats de la RVA avaient démontré, preuves à l’appui, que ce qui était arrivé à la flotte de Jean-Pierre Bemba reposait sur une décision officielle du gouvernement de l’époque, mise en exécution par le Parquet général près la Cour d’Appel de Kinshasa/Matete.
Par ailleurs, dans l’hypothèse où la RVA serait partie prenante au procès, le Tribunal de Grande Instance de la Gombe est réputé « incompétent», au motif que le dossier concerne une matière commerciale, entre deux « parties », à savoir Jean-Pierre Bemba et la RVA, revêtues du statut de « commerçants ». A ce titre, le juge naturel des deux protagonistes devrait être un Tribunal de Commerce.
On laisse entendre que de juteux dessous de table pourraient être partagés entre ceux qui tentent d’instrumentaliser la justice pour asphyxier financièrement la RVA et l’Etat congolais et les magistrats ainsi que les auxiliaires de la justice qui se prêteraient au sale jeu de l’exécution d’un jugement manifestement injuste et illégal, dans un dossier dont l’acte d’accusation à charge de cette société commerciale est vide. Nombre d’observateurs pensent que le gouvernement congolais ne devrait pas aller laisser faire une « justice aux ordres ». Sa
prompte réaction est vivement attendue pour remettre les pendules à l’heure dans une République qui aspire à redevenir un Etat de droit, après avoir longtemps fonctionné comme une « jungle judiciaire », où la justice était rendue à la tête du client.
Lors de sa dernière sortie devant les deux chambres du Parlement réunies en Congrès, le Président de la République est abondamment revenu sur les turpitudes de l’appareil judiciaire congolais, qui peine à emprunter le train du « changement ». C’est du reste pour lui redonner ses lettres de noblesse qu’il a ordonné, il y a quelques mois, le recrutement de nouveaux et jeunes magistrats, à charge pour
eux de dire le bon droit et de placer tous les citoyens au pied d’égalité devant la loi.

Rappel des faits

La chronique judiciaire nous rappelle que la compagnie Coza Airways, dont la propriété est revendiquée par Jean-Pierre Bemba, disposait d’une flotte constituée de 7 aéronefs, notamment 2 Antonov 26, 2 Boeing 727, 1 HS 125 et 1 Grumman 159. Ces appareils étaient pris en location par la société Hewa Bora de Stavros Papaionnou. A la suite d’une brouille entre les deux partenaires, les associés de Coza Airways avaient décidé de retirer leur flotte à Hewa Bora et de la laisser en état d’immobilisation sur les aires aéroportuaires de N’Djili.
Par ailleurs, suite à l’arrestation de Jean-Pierre Bemba par la CPI (Cour Pénale Internationale) et son transfert à La Haye, la Monusco avait interdit formellement aux tiers l’utilisation de la flotte de Coza Airways.
Intrigué sans doute par l’encombrement du tarmac et des hangars de N’Djili Aéro, le ministre des Transports et Voies de Communication de l’époque avait, par sa lettre du 04 mai 2007 (référence 409/0339/KN/KA/2007), donné instruction à la RVA d’évacuer tous les aéronefs abandonnés sur les aires aéroportuaires. En dépit de cette injonction, la RVA n’avait pas exécuté l’ordre de la hiérarchie, car s’estimant non compétente pour la tâche.
La situation était ainsi restée en l’état, jusqu’au 10 juin 2012, date à laquelle le Conseil des ministres avait exhumé le dossier et pris la décision de faire le ménage sur le tarmac de l’aéroport international de N’Djili. Dans la foulée, le ministre des Transports et Voies de Communication de la même époque s’était, cette fois-là,
tourné vers le Procureur Général de la République, pour lui demander de débarrasser le tarmac de N’Djili des épaves d’aéronefs radiés et immobilisés durant un temps anormalement longtemps.
A son tour, le Procureur Général de la République avait saisi, en date du 05 juillet 2012 (Référence : 3477/D.023/27345/PGR/SEC/2012) le Procureur Général près la Cour d’Appel de Kinshasa/Matete en vue de l’exécution de la décision du Conseil des ministres. En ce qui le concerne, le PG de la Cour d’Appel de Kinshasa/Matete avait établi une réquisition sommant les OPJ Nkondo Rigobert et Mpaka za Mvita d’évacuer du tarmac de N’Djili les épaves de tous les aéronefs radiés ou immobilisés. Ce qui fut fait, après la mise en place d’une commission ad hoc et une mise en demeure adressée à tous les avionneurs concernés. Certains d’entre eux avaient volontairement procédé à la casse des épaves de leurs aéronefs.

Fait curieux, le 14 avril 2012, Thomas Luhaka, agissant sous le mandat de Jean-Bemba, avait écrit à Charles Deschrysver, alors responsable de la logistique du Comité d’Organisation du XIVème Sommet de la Francophonie, pour lui communiquer l’autorisation de Jean-Pierre Bemba de déclasser certains aéronefs de Cosa Airways, dont deux Antonov 26 et un Boeing 707. Les autres épaves furent envoyées à la casse par la Commission ad hoc, avec l’aide matérielle de la Monusco.

Les observateurs avertis auront remarqué que de bout en bout, la RVA n’est liée ni de loin, ni de près, à l’exécution de la décision du Conseil des ministres relative à l’assainissement des aires aéroportuaires par la destruction des épaves des aéronefs radiés et immobilisés. La question de fond à se poser est de savoir comment cette société commerciale est mêlée au dossier judiciaire ouvert par
Jean-Pierre Bemba au Tribunal de Grande Instance de Gombe. En tous les cas, le couteau reste sous la gorge de la RVA et de l’Etat congolais, plus que jamais exposés à de lourdes pénalités financières.
LP

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