Rentrée judiciaire 2022 – 2023 : le Premier président de la Cour de Cassation recadre les missions de l’Inspectorat général

La Rentrée judiciaire de la Cour de cassation 2022 – 2023 a eu lieu samedi le 15 octobre 2022, en présence de Rose Mutombo Kiesse, ministre d’Etat et ministre de la Justice et Garde des sceaux, représentant personnelle du Président de la République, Félix Antoine Tshilombo, magistrat suprême. Trois temps forts ont marqué cette cérémonie haute en couleurs. Il y a eu avant tout le discours du
Bâtonnier national, puis la mercuriale du Procureur général près la Cour de cassation et enfin, le discours solennel de son Premier président.
Rappelant en liminaire l’idée du Président de la République de rationnaliser l’action de la justice pour le renforcement de la gouvernance publique et de l’Etat de droit, le Premier Président de la Cour de cassation a relevé que le magistrat suprême avait appelé l’Inspectorat général des services judiciaires et pénitentiaires,
comme instrument d’accompagnement du ministère de la Justice, à jouer son rôle de manière efficace. Pour David-Christophe Mukendi Musanga, ce qui induit une exigence pour ledit inspectorat d’accomplir avec rigueur les missions qui lui sont assignées et à s’en tenir à la lettre et à l’esprit des dispositions réglementaires y relatives. Cela ne paraît guère soulever des difficultés quant au principe de son
existence.

Le Premier président de la Cour de cassation n’a pas manqué de constater que le plus souvent, l’Inspectorat se résigne à l’oubli de ses missions tenant au contrôle du fonctionnement des juridictions, des parquets ainsi qu’aux constats et enquêtes sur les comportements professionnels et personnels des magistrats, susceptibles d’entraîner des fautes disciplinaires. De son point de vue, c’est en exerçant dans toute sa plénitude ses missions que cet important service peut efficacement contribuer à mettre fin aux dysfonctionnements de la justice dénoncés par le président de la République et magistrat suprême.
Après avoir dressé le cadre légal régissant ce service spécialisé du ministère de la Justice, il a dévoilé ses principales missions, avant de s’étendre sur sa composition, son organisation et son fonctionnement, non sans mettre en exergue le modèle français d’inspection judiciaire sur le tableau du droit comparé des systèmes d’inspection judiciaire dans les pays européens. Le Premier président
de la Cour de cassation en est venu à engager le débat sur la légalité du décret créant l’inspection judiciaire en France. David-Christophe Mukendi Musanga, friand de grandes thématiques juridiques, a profité de cette rentrée judiciaire, pour remettre au cœur de l’actualité judiciaire, les différentes opinions sur l’inspectorat général congolais. Est-il un service en marge de la Constitution du 18 février
2006 ? Abordant cette question de la constitutionnalité de la mission de l’inspectorat, il a évoqué quelques points importants sur la réflexion de Shangashanga Clément, qui affirme que son existence est vue par une certaine opinion comme portant atteinte aux principes de séparation des pouvoirs et de l’indépendance judiciaire ainsi que du juge consacrés par la Constitution du 18 février 2006. Ce juriste a affirmé d’autre part, que certaines des compétences de l’Inspectorat général des services judiciaires et pénitentiaires sont contraires à
celle-ci en ce qu’elles permettent de porter une appréciation sur l’œuvre du juge.
Toutefois, a indiqué noter David-Christophe Mukendi Musanga, l’auteur ci-haut cité a nuancé son opinion en relevant qu’elle n’est pas incompatible avec la Constitution, en ce qu’elle ne viole ni l’indépendance du pouvoir judiciaire, ni celle du juge. Et comme pour accréditer une autre thèse, le Premier président de la Cour de cassation s’est appesanti sur quelques indicateurs de la juridictionnalisation de l’Inspectorat général, qui sont à chercher dans la masse des correspondances administratives, dont il est ampliataire en tant que Premier président de la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire. Ces correspondances étaient adressées aux chefs des juridictions, aux greffiers et aux huissiers de justice, aux officiers publics et ministériels chargés notamment de l’exécution de décisions de justice, des actes ou titres en forme exécutoire.

La crédibilité nationale et internationale du système judiciaire dépend de l’exécution des décisions judiciaires
Pour terminer, il a peint quelques illustrations des polémiques, des dérives, des pratiques illégales et des demandes systématiques de dossiers en communication. Dans sa conclusion, il a suggéré de revisiter quelques dispositifs réglementaires existants pour adapter la dénomination et élaguer certains mots y contenus, tels que «Conseil judiciaire», « Président du Conseil judiciaire » et autres concepts devenus incompatibles avec l’ordre constitutionnel en vigueur dans
notre pays. Enfin, il a clôturé son discours en soulignant que c’est par le respect strict de son règlement intérieur qui renferme des référentiels méthodologiques bien élaborés, lesquels s’ils étaient bien observés, mettraient fin à quelques dérives constatées.

Mercuriale sur les droits fondamentaux des citoyens
Dans sa mercuriale riche en symboliques et très interpellatrice, le Procureur général près la Cour de cassation s’est largement étendu sur les droits fondamentaux de citoyens, en épinglant essentiellement la liberté d’expression. Firmin Mvonde Mambu a, avec ses lunettes de ministère public, ressorti les infractions relatives à la liberté d’expression, par les propos, les écrits, et sur internet. Si la liberté d’expression est garantie par la Constitution, le Procureur général près la Cour de cassation a mis en exergue les droits y relatifs, avant d’aborder les récriminations prévues par la loi. De l’arsenal juridique qui sanctionne ces infractions, il a soutenu que de plus en plus les citoyens commettent ce genre d’infractions, sans prendre conscience des préjudices qu’ils causent à autrui.
A propos de l’offense au Chef de l’Etat, Firmin Mvonde Mambu a insisté sur le caractère pénal et déploré le taux de peines infligés aux auteurs. De 2 à 6 mois de SPP, et une amende ne dépassant pas 10.000 FC, le PG constate que ces sanctions ne sont pas de nature à faire revenir les auteurs à la raison. D’où il a plaidé pour le
relèvement de la hauteur des sanctions et terminé sa mercuriale en formulant la révision de textes légaux pouvant renforcer l’arsenal juridique en vigueur.

L’assistance judiciare «pro deo»
Prenant la parole au nom de l’Ordre national des avocats, le Bâtonnier national a soumis à la haute juridiction et au gouvernement, la question essentielle et cruciale de l’assistance judiciaire «pro deo». Il a rappelé à ce sujet, l’existence d’un projet de loi sur le cadre légal devant renforcer cette assistance légale. Le souhait le plus ardent de l’Ordre national des avocats est de voir le texte final
être mieux élaboré, afin de relever le défi de l’accès des plus démunis à la justice. Car pour lui, la recherche de la vérité judiciaire ne peut être mise à mal sous prétexte de considérations financières. Le Bâtonnier national a ensuite axé sa réflexion sur l’importance, le rôle et les missions de l’avocat dans le cadre de
l’assistance judiciaire gratuite. Il a tiré de la Constitution, le fondement juridique de cette assistance qui donne droit aux citoyens dépourvus de moyens d’accéder aux services de la justice. Etant donné que tous les citoyens sont égaux devant la loi, tous doivent avoir accès facile aux services de la justice, pour se plaindre contre les
auteurs de préjudices subis et réclamer la réparation de ces préjudices.
L’avocat «pro deo» apparaît comme un défenseur des droits de citoyens
dépourvus des moyens devant les cours et tribunaux. Pour le Bâtonnier national, il a la noble mission d’assister les justiciables dépourvus de moyens, durant le déroulement de leurs procès.
Il a alors émis le voeu de voir vite comblé le cadre légal régissant cette assistance judiciaire «pro deo», non sans évoquer l’autre question essentielle du recours aux professionnels du droit. Paraphrasant à ce sujet le professeur Bayona ba Meya, le Bâtonnier national a davantage creusé cette question de l’assistance «pro deo», signalant au passage que les barreaux de la RDC sont pourvus de
cabinets destinés à la défense des plus démunis. Enfin, il s’est interrogé sur la contrepartie de l’Etat congolais dans le travail accompli par le conseil «pro deo». Le Bâtonnier national a martelé qu’il revient à l’Etat congolais d’assurer la prise en charge de ces professionnels du droit qui se consacrent à la défense des causes des indigents devant la justice.
Signalons que le président du Sénat, Modeste Bahati Lukwebo, la directrice de cabinet adjointe du Chef de l’Etat, Nicole Bwatshia, le ministre des Droits Humains, Albert Puela, le Premier président de la Cour suprême de Brazzaville, Henri Bouka, le Procureur général près la Cour de cassation de Brazzaville, le vice-président de la Chambre commune de justice et d’arbitrage d’Abidjan et tant d’autres notabilités ont assisté à cette audience solennelle et publique.
J.R.T.

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