Maman Bobi Ladawa à Top Congo le vendredi 09/09/2022) : «MON PAYS NATAL ME MANQUE COMME UNE MÈRE MANQUE À SON ENFANT» TOP CONGO : Maman Bobi Ladawa, bonjour!

Maman Bobi LADAWA (MBL) :
Bonjour

TOP CONGO: C’est une grande joie de vous revoir. On vous voyait peu. Papa est parti. On vous remercie de nous accueillir chez vous aujourd’hui. Ma première question : vous êtes née où? Où avez-vous passé votre jeunesse?
MBL : Mon père est originaire du village Mbuyi à côté de Gbadolite. Il a étudié à Molegbe et les prêtres l’ont envoyé au village Diula. Avant ce voyage, papa avait déjà trois fils. Mais nous les cadets, nous sommes nés dans ce village Diula, situé dans le territoire de Bosobolo, dans la province du Nord-Ubangui.
Je suis donc la fille d’un père catéchiste catholique chargé de proclamer la parole de Dieu. Il va faire ce travail pendant 32 ans.

TOP CONGO: On sait que vous êtes née un certain 2 septembre et que vous veniez de fêter votre anniversaire. Mais où avez grandi, toujours à l’Equateur?
MBL : Oui, oui c’est là où j’ai grandi. C’est aussi là que j’ai fait l’école de monitrice. J’y ai travaillé pendant deux ans comme monitrice.

TOP CONGO: Monitrice à Molegbe?
MBL : Non pas à Molegbe mais toujours à Diula. J’ai appris l’école de monitrice à Molegbe mais j’ai travaillé à Diula. J’ai fait l’école primaire d’abord à Diula, puis à Mobayi. Les conditions d’études étaient très difficiles. C’est ainsi que de Mobayi, je suis allée à Molegbe pour faire l’école de monitrice.

TOP CONGO : Où avez-vous rencontré papa Mobutu? À Diula ou à Gbadolite?
MBL : ( Rires de maman Bobi) je l’ai connu quand il était encore commandant des forces armées congolaises. Je l’ai connu comment? Lui était l’oncle du mari de ma grande sœur. C’est quand il venait voir mon beau-frère ( son neveu) que je l’ai rencontré pour la première
fois.
Mais n’oubliez pas que j’ai aussi étudié au Lycée du Sacré-Coeur à
Kinshasa. J’avais quatorze ans que je l’ai connu mais il n’ y avait
aucune arrière-pensée de mariage. Les choses sont arrivées beaucoup
plus tard et ce n’était pas facile d’aimer quelqu’un qu’on connaissait
comme membre de famille par alliance et le mari de maman Mobutu.
C’était difficile pour moi d’accepter cette offre. Il a tellement
insisté que j’ai fini par l’accepter dans ma vie.

TOP CONGO : Et finalement vous avez rendu publique votre relation?
MBL : Publique comment?

TOP CONGO : Au mariage de 1980 ?
MBL : Oui mais là on avait déjà quatre enfants! Le mariage religieux
est venu beaucoup plus tard.

TOP CONGO :Qu’est-ce qui a changé dans votre vie après ce mariage
quand vous êtes devenue la Première Dame connue dans le monde entier?
MBL : Au début ce n’était pas facile. Être femme du Chef de l’Etat
était difficile pour moi. Je ne sais pas mais Dieu était au milieu de
tout ça. J’ai fini par accepter tout, les joies comme les épreuves de
cette vie. Le bonheur était là mais pas à cent pour cent mais j’ai
supporté et assumé tout ça.

TOP CONGO : Le président Mobutu ne t’avait pas forcée? Vous vous
aimiez vraiment?
MBL : Ah oui nous nous aimions vraiment. Tout en soulignant qu’il
n’est pas facile d’être la femme d’un Chef de l’Etat.

TOP CONGO: Mais qu’est-ce qu’il y a de difficile d’être à ce poste?
Bonheur, prestige, voyage dans le monde entier?
MBL : Dans chaque famille, il y a des joies et des peines. Les joies
de vivre ensemble en famille on les avait. Les épreuves aussi. Mais en
tout ça, j’ai retenu une chose : le président Mobutu était un époux
spécial.

TOP CONGO : Il était comment alors?
MBL : Il avait un grand respect pour sa femme. Il avait beaucoup de
respect envers moi. Malgré la différence d’âge entre lui et moi, mais
il me respectait. Une chose que je ne veux pas, il respectera mon
avis. Et quand lui n’était pas d’accord sur un point, moi aussi je me
soumettais. Bref on se respectait mutuellement. Quand je lui faisais
un reproche sur un point, il présentait directement des excuses comme
je le lui faisais moi aussi à un de ses reproches. C’est pourquoi je
ne peux jamais oublier mon mari. Des fois je lui dis encore
aujourd’hui: “pourquoi on n’est pas mort le même jour avec toi?”

TOP CONGO: Donc c’était un bon mari?
MBL : Oui exactement. C’était un très bon mari.

TOP CONGO: Est-ce que son travail de président ne vous dérangeait pas ?
MBL : Non, ça ne me dérangeait point. J’étais derrière lui pour le
soutenir. Je le suivais partout pour soutenir son moral. Il avait
besoin d’avoir quelqu’un à ses côtés. Il était aussi un homme qui
avait besoin de l’affection et du soutien de sa femme. C’est pourquoi
je tenais à l’accompagner dans ses voyages de Chef de l’Etat.

TOP CONGO : Comme époux, qu’est-ce qu’il aimait ?
MBL : Il avait ses préférences. Quand il faisait le déplacement dans
un autre pays, il exigeait de manger ce que je lui faisais.

TOP CONGO : Quelles étaient ses habitudes? Il faisait le sport? Il
passait son temps à la lecture? À quoi il occupait sa journée?
MBL : Entièrement dévoué au travail pour son pays et son peuple.

TOP CONGO : Est-ce qu’il avait des amis?
MBL : Bien sûr qu’il avait des amis. Il en avait beaucoup, même parmi
les policiens.

TOP CONGO : Des amis par exemple qui l’ont accompagné même quand il
n’était plus au pouvoir et qui l’ont accompagné?
MBL : Il avait des amis fidèles comme papa Lomata avec qui il avait
étudié dans l’enfance. Il était tout le temps avec lui, que ce soit
dans ses voyages en bateau ou autres.

TOP CONGO : Et les autres qu’il a rencontrés en politique, est-ce
qu’ils lui sont restés proches?
MBL : Oui oui, il y en avait. Tel par exemple l’ambassadeur Mukamba et
beaucoup d’autres. Je vieillis et ma mémoire n’est plus aussi bonne.
Mais ils étaient nombreux autour de lui.

TOP CONGO : Est-ce que ses amis vous sont restés proches en l’absence de papa?
MBL : ( Long sourire) pas beaucoup peut-être parce qu’on est au Maroc
où l’avion n’arrive pas facilement. Puis beaucoup parmi ses amis sont
déjà morts. D’autres sont encore vivants. Et quand je voyage à
Bruxelles, je ne manque pas de visiter son ancien directeur de
cabinet, Me Nyimi et sa femme, avec qui nous passions de longues
soirées de conversation.

TOP CONGO: Après son discours du 24 avril 1990 et tous les changements
politiques survenus, est-ce que le moral de papa avait changé?
MBL : C’était un président mais aussi un être humain. Il souffrait
beaucoup de certaines choses. Il recevait aussi des chocs. J’en avais
pour preuve lors de notre séjour à Goma quand on clôturait la
Conférence Nationale Souveraine. Ses proches collaborateurs sont venus
le voir dans notre résidence et je l’ai entendu leur demander : “ On
dit que moi je n’ai rien fait pour ce pays? “ Ensuite j’ai vu des
larmes couler de ses yeux. Je l’ai pris à part et je lui ai dit : “
Arrête de parler de ça. Ta souffrance ne dépasse pas celle du Christ.
Tu es un chrétien et ne l’oublie jamais”. C’est ce que je lui avais
dit.

TOP CONGO : Est-ce que son statut de président il l’exerçait en même
temps au bureau et en famille?
MBL : Non! Quand il faisait la politique, il allait dans son bureau où
il rencontrait ses collaborateurs et ses visiteurs. Quand il venait en
famille il était un simple mari et un père de famille. Il se
comportait comme n’importe quel époux se comporte en famille.

TOP CONGO : Donc, là-bas en famille, il ne disait plus “ Nye Nye”
MBL : ( Rire) Non non. Il se comportait comme mon mari et le père des
enfants. Même envers ses ouvriers, il se comportait avec beaucoup
d’humanité et de courtoisie. Je me rappelle quand on s’est marié
religieusement en 1980 et que je suis venue habiter à Mont-Ngaliema,
il m’a dit un jour : “regarde tous ces ouvriers, chérie, regarde ces
cuisiniers, je les prends comme mes papa parce que mon père était un
cuisinier.” Il avait beaucoup de respect envers ses ouvriers.

TOP CONGO : Avec tous ses ouvriers ?
MBL : Oui oui, dans sa tête, ses ouvriers faisaient partie de sa
propre famille. Je ne l’avais jamais entendu crier sur moi ou sur ses
ouvriers. À Mont-Ngaliema, il était le Maréchal Mobutu, à la maison il
était monsieur Mobutu. La différence était très grande

TOP CONGO : Après, les choses ont changé. Papa est tombé malade. On a
attaqué le Zaïre. Il est sorti de l’hôpital et revenu triomphalement
au pays, bien accueilli par son peuple…
MBL : ( coupant la question du journaliste) Je ne peux pas vous
cacher ce pour quoi il est vite mort. L’opération de son cancer de
prostate s’était bien passée en Suisse. Un de ses médecins personnels,
Dr Byamungu, y a assisté et l’espérance de guérison était
envisageable. Ce qui a précipité sa mort, c’est sa pensée fixe sur son
pays. Même sur le lit de malade, il ne pensait qu’à son pays. Quand la
guerre a éclaté, il a dû négliger le protocole ordinaire de la
chimiothérapie. Il tenait à rentrer dans son pays qui était attaqué
dans sa partie Est.

TOP CONGO : Donc, c’est la situation du pays qui avait perturbé sa santé?
MBL : Exactement! Lui jugeait que c’était plus important de rentrer au
pays que de s’occuper de sa santé. Les médecins lui imposaient une
séance de chimiothérapie par mois et lui trouvait que c’est trop long
au regard de ce qui se passait dans son pays.

TOP CONGO : Le 16 mai, le cortège de papa quitte Kinshasa. L’AFDL
entre le jour suivant. Quel était le moral de papa?
MBL : Il avait pris personnellement la décision de se replier à
Gbadoite. Arrivé là-bas, sa santé s’est beaucoup détériorée et c’est
moi personnellement qui ai appelé les présidents du Gabon et du Togo
pour envoyer l’avion pour l’évacuer dans un hôpital. Mais lui ne
voulait pas. Il était prêt à mourir dans son pays.

TOP CONGO : Mais il y a des gens qui racontent que vous avez fui
Gbadolite parce qu’on voulait vous faire du mal?
MBL : Non, c’est faux. Les gens nous conseillaient de nous cacher dans
une autre maison à Gbado mais lui a refusé. Et il s’est fâché contre
moi quand je lui ai dit que j’avais appelé ses collègues du Gabon et
du Togo. Il m’a dit : “ Tu n’es pas le président, pourquoi oses-tu les
appeler?” Et moi de lui répondre : “ Mon mari que j’aime de tout mon
cœur est malade. Il va mal. Tu veux quoi? Que je te regarde souffrir
comme ça sans rien faire? Et moi ta femme, si j’étais dans cet état,
tu me laisserais mourir comme ça?”

TOP CONGO : Donc malgré les menaces, le Maréchal ne voulait pas partir?
MBL : Exactement. Il ne voulait pas partir. À la fin, il avait
accepté, pour raison de sa maladie, qui s’aggravait de jour en jour.
Mais même là, on avait dû le forcer d’accepter. Beaucoup de nos
soldats avaient basculé dans le camp ennemi. Ce sont eux qui avaient
tiré sur notre avion. On avait remarqué les impacts de balle seulement
à notre arrivée à Lomé. C’était un avion cargo militaire fort
heureusement car si c’était un avion civil ordinaire, toute la famille
allait périr ce jour-là. Et moi qui vous parle, je ne serai plus là.

TOP CONGO: Et comment a réagi le Maréchal à Lomé quand il a vu ça?
MBL : Ca lui avait fait très mal au cœur. C’était un homme qui savait
encaisser dans son cœur sans trop se plaindre ni exprimer ce qu’il
endurait.

TOP CONGO : Quel était le premier pays de votre accueil?
MBL : Lomé, au Togo. On y avait passé une semaine.

TOP CONGO : Mais pourquoi vous avez quitté? Est-ce que vous étiez
toujours accueillis avec dignité comme auparavant?
MBL : On était installé dans une villa confortable. Le président
togolais était absent de la capitale le jour de notre arrivée. Quand
il y est retourné, il est venu nous voir et ils ont eu une longue
conversation tous deux. Mon mari ne m’avait pas donné le contenu de
leur entretien mais tout montrait qu’ils ne s’étaient pas mis d’accord
sur certains points. Entre-temps, sa santé se détériorait et le
président togolais nous avait donné l’avion qui nous avait portés au
Maroc. Car j’avais semblé comprendre que la France avait refusé de
l’accueillir pour ses soins médicaux. C’est plutôt le Roi Hassan II,
le chef de ce pays où je vis maintenant, qui avait dit à mon mari : “
Viens ici au Maroc. C’est l’Afrique, c’est ton pays et personne, ni
les Français, ni les Belges, ni les Américains, ne t’empêcheront de
rester ici sur cette terre africaine “.

TOP CONGO : C’est comme ça alors vous êtes arrivés au Maroc?
MBL : Voilà! À notre arrivée, on nous avait placés dans un hôtel non
loin de Rabat. Puis dans un nouvel hôtel récemment construit à Tanger
où on a passé un mois avant de venir suivre des soins à l’hôpital
général à Rabat. Il souffrait beaucoup des chimiothérapies qu’on lui
avait déjà administrées. On a fait appel à des grands spécialistes du
monde pour le guérir mais après des examens approfondis, ils nous ont
dit la vérité que la situation était fatale.

TOP CONGO : Pour revenir en arrière, quand vous avez quitté le pays,
quel était le sort de vos proches, membres de famille restés au pays.
Ont-ils été menacés?
MBL : Moi personnellement, mon mari était gravement malade et j’étais
toute concentrée sur lui. Je ne pensais même plus à la famille ou à
quiconque. Mon mari était couché au lit, se tordant de douleur, où
aurais-je trouvé la force d’appeler les gens? À quoi me servait de
raconter aux gens la douleur de ma famille? Pour qu’on alimente encore
le mépris contre nous nous? Jamais.

TOP CONGO : Beaucoup de gens t’appelaient pour prendre des nouvelles?
MBL : Personne ne me cherchait ni voulait avoir de mes nouvelles.

TOP CONGO : Quand les médecins vous ont annoncé le diagnostic final et
le jour du décès, comment vous avez réagi?
MBL : J’étais sous le choc et je leur ai dit : “ vous n’êtes pas le
Maître de la vie, seul Dieu connaît le jour!” Effectivement, le jour
annoncé par ce médecin était passé et mon mari est mort plus tard. Je
leur avais dit :” comment vous osez dire une chose pareille devant le
malade? Vous le blessez profondément et vous lui enlevez la force de
se battre”, car effectivement ils le disaient à nous devant le malade
qui écoutait tout.

TOP CONGO : Et que disait le Maréchal devant ce médecin?
MBL : Il est resté silencieux. Le Dr Diomi, son médecin personnel, a
cru que mon mari n’avait pas bien entendu. Il lui a répété le verdict
médical mais lui est resté sans rien dire. Il est resté silencieux.

TOP CONGO : Quels étaient ses dernières paroles?
MBL : ( Long silence, très émue, puis se reprend) ce jour-là, j’étais
assise à côté de son lit puis je suis allée aux toilettes qui étaient
juste à côté de son lit. Il m’appelle, me fixe longtemps et me dit : “
Pardon”. Je lui demande: “ Pardon de quoi papa?”. Il est resté
silencieux et moi par amour que je portais à lui je lui dis : “ moi
aussi je te demande pardon” puis j’ajoute: “ Demande aussi pardon à
tous tes enfants du Zaïre car eux aussi te demandent pardon. Je te le
demande au nom de toutes les filles et fils du Zaïre. Beaucoup parmi
eux t’ont fait du mal mais tu ne peux pas partir avec ces blessures
intérieures dans ton cœur. Pardonne-leur et là où tu crois avoir agi
mal, demande-leur pardon».
Le mot PARDON était bref mais était riche de significations pour un
grand homme de sa trempe. Cette parole du pardon était la dernière qui
était sortie de sa bouche. Il ne voulait dire rien de plus et résumait
le sentiment de son cœur aux derniers instants de sa vie. Pardon à
tout son peuple qu’il a tant aimé et à qui il a consacré toute sa vie,
avec ses limites humaines.

TOP CONGO : Et après, il a dit quoi?
MBL : ( long silence et émue) il n’a plus rien dit. On était là toute
la famille autour de son lit. Nous nous sommes mis à prier, conscients
de ce que cette vie vient de Dieu et que c’est Lui qui a la dernière
décision.
Un moment, on m’a demandé d’embrasser mon mari pour la dernière
fois.( silence) C’est après qu’on m’a raconté que j’étais tombée
évanouie. On me l’a raconté après mais moi-même je ne m’en souviens
pas.

TOP CONGO : Du vivant du maréchal, la presse et ses adversaires
disaient qu’il avait beaucoup d’argent et de richesses, après sa mort,
c’est quoi la vérité?
MBL : C’est depuis 25 ans que nous cherchons ce trésor sans le trouver.

TOP CONGO : Donc on a dit des mensonges sur vous?
MBL : Je n’en sais rien. Nous n’en avons rien vu. Le président avait
de proches conseillers ce n’est pas lui qui va ouvrir des comptes
bancaires. La vérité est que moi et mes enfants nous n’avons eu aucune
information sur l’argent qui appartenait à mon mari.

TOP CONGO : Aujourd’hui ça fait 25 ans depuis qu’il nous a laissés.
C’était à quelle heure?
MBL : À la fin de l’après-midi

TOP CONGO : 25 ans après la mort de votre mari, vous ne sentez pas le
désir de rentrer dans votre terre natale?
MBL : ( Long silence) Certes que le désir de rentrer dans mon pays est
là mais… celui avec qui j’étais entré dans l’avion est ici au Maroc.
Que je rentre chercher quoi là-bas? Dans ma tête, je me disais que les
enfants du Zaïre viendront prendre son corps pour l’enterrer dans sa
terre natale. Les années passent et moi-même je m’approche de ma fin.
La seule chose qui me reste à faire, c’est de creuser un trou où je
peux l’enterrer dans sa terre natale.

TOP CONGO : Á Kinshasa ou à Gbadolite?
MBL : On va atterrir à Kinshasa non! On ne va pas priver les Zaïrois
de le saluer

TOP CONGO : Mais il y a des langues qui racontent que vous la famille
vous ne voulez pas que le Maréchal rentre?
MBL : Comment faire rentrer mon mari dans le désordre?

TOP CONGO : C’était du temps des Kabila? Maintenant qu’il y a le
président Félix Tshisekedi au pouvoir, il peut rentrer au pays?
MBL : Pourquoi pas?

TOP CONGO : Y a-t-il des conditions spécifiques pour ce retour?
MBL : Mais, c’est lui le Chef de l’Etat. Cette question nous est posée
plusieurs fois. J’ai même reçu la visite de la Ministre des Affaires
Étrangères qui nous a posé la même question. Notre réponse est assez
claire : “ Papa a été tellement sali par son peuple quand il quittait
le territoire zaïrois. “ Voleur, assassin etc.” Autant d’injures mises
sur les lèvres de la population. On ne leur demande qu’une seule chose
: celle de reconnaître au moins que papa a aussi apporté quelque chose
à l’édification de ce pays. Il a besoin qu’on lui fasse des reproches
posthumes sur son mandat mais il a aussi besoin que le Congo
reconnaisse devant l’histoire la part de bien qu’il a fait à ce pays.
Il a besoin d’être réhabilité avant son retour dans la terre de ses
ancêtres. C’est une question de vérité et d’honnêteté historique qui
permet de faire le deuil d’un chef comme lui.

TOP CONGO : Donc, vous acceptez le retour de papa dès sa réhabilitation?
MBL : Oui.

TOP CONGO : Quand feu Manda ou encore ton fils Nzanga Mobutu était
entré au gouvernement, tu n’étais pas tentée d’aller à Kinshasa?
MBL : Jamais! L’unique fois que je me suis approchée de Kinshasa,
c’est quand j’étais invitée aux obsèques de la fille du président
Sassou à Oyo. Je regardais Kinshasa en face.

TOP CONGO : Est-ce que votre pays ne vous manque pas?
MBL : C’est comme si tu me demandais si je peux oublier ma propre
mère!!! Je ne peux jamais oublier un seul instant la terre natale. Je
ne peux jamais oublier ma maman qui m’a portée neuf mois dans son
sein. Je ne peux jamais oublier mon pays qui m’a engendrée, m’a
nourrie, m’a protégée jusqu’à ce que je le quitte à l’âge de 52 ans.
Comment puis-je oublier mon pays? Mon pays m’a nourrie, m’a élevée et
fait de moi ce que je suis. Ça me manque beaucoup. Mon pays me manque
cruellement. Vivre dans son propre pays, c’est une chose, vivre sur
une terre étrangère, c’est une autre chose.

TOP CONGO : Mais ici, on vous a bien accueillie non?
MBL : Vous avez raison ! Mais ta mère reste ta mère. Tu ne peux pas la
remplacer.

TOP CONGO : Maman Bobi Ladawa merci pour l’accueil et surtout tout ce
que nous apprenons sur une page importante de l’histoire de notre
pays. Quel message voudriez-vous donner aux Congolais qui nous suivent
dans cette émission?
MBL : Ne croyez pas à ceux qui racontent que la famille Mobutu ne veut
pas que le corps de l’ancien président rentre au pays, c’est faux.
Quand il était malade lui-même m’avait dit un jour : “ si quelque
chose m’arrivait ces jours-ci, enterrez-moi ici. Le reste de mon corps
ne pourra rentrer au Zaïre que si tout revient au calme et dans
l’ordre.” Il m’avait déjà indiqué l’endroit où il doit être enterré.

TOP CONGO : À Kinshasa?
MBL : Non pas à Kinshasa mais à Gbadolite. Je connais bien la place.
Je n’avais jamais entendu de sa bouche la volonté d’être enterré à
Kinshasa.

TOP CONGO : L’actuel gouverneur du Nord-Ubangui est le petit-fils du
maréchal. Cela pourra arranger l’affaire?
MBL : Ca peut beaucoup arranger les choses. J’étais tellement heureuse
d’apprendre que mon petit-fils a pris en main la gestion de la
province de son grand-père. Il est tout jeune mais il faut qu’il ait
le sens d’écoute de la population et des personnes sages qui peuvent
l’aider à bien diriger la province. On a détruit Gbadolite et lui n’a
pas les moyens qu’avait son papy qui était chef de l’Etat. Mais il
s’en sortira. Il a le sang de Mobutu dans ses veines.

TOP CONGO : Vous avez exprimé votre désir de voir être réhabilitée la
mémoire du maréchal, que dire à ses détracteurs?
MBL : Je rencontre souvent des Congolais qui me disent: ah ça ne va
pas au pays! Mais je leur réponds, arrêtez avec vos habitudes de
critiques négatives. Le maréchal est parti et à ceux qui lui ont
succédé, vous continuez à être acerbes. Au lieu de vous réjouir que le
Maréchal soit parti, vous continuez à pleurnicher, c’est que vous ne
savez pas ce que vous voulez. C’est la réponse que je leur donne.
Eux disent que le Maréchal a détruit son pays. C’est de leur droit.
Mais moi qui fus un témoin direct des événements, je voyais que le
Maréchal avait le souci de son pays 24h/24. Avant de dormir, s’il n’a
pas reçu la réponse sur la situation sécuritaire de ses neuf
frontières, il ne va pas au lit. C’est uniquement quand il a la
réponse que tout est calme aux 9 frontières qu’il pouvait trouver le
sommeil.
Vous le voyez dormir juste deux ou trois heures du temps par nuit et
le voilà debout, il reprend à parler avec ses services pour la marche
du pays. Dans sa tête, du matin jusqu’au soir, c’était le bien et la
stabilité de son pays.
À un homme comme ça, l’histoire objective ne peut nier le mérite
d’avoir aimé son pays et oser dire qu’il n’a rien fait.
Et si on répète la même chose à ses successeurs, c’est que nous
Congolais, on ne sait pas ce qu’on veut. Il faut quand même une
certaine communauté d’intérêts entre le peuple et le chef mais si la
démocratie, c’est passer à la TV pour injurier ou calomnier, comment
le pays peut-il évoluer? Il faut qu’on se mette autour d’une table
pour la bonne marche du pays.
Lorsqu’en 1965, mon mari était devenu président, les provinces
étaient divisées et minées par le poison du tribalisme. Ses premiers
efforts politiques furent de réunir le peuple et d’en faire une
nation. On avait vécu cette unité et personne ne peut contester
l’apport de cet homme pour que le Zaïre en soit arrivé là au statut
d’unité et d’une nation connue et respectée partout dans le monde.
Mon message au peuple congolais est le suivant: “du temps du Zaïre,
on se sentait citoyen zaïrois dans n’importe quelle partie du
territoire de notre vaste pays. On se sentait congolais partout où on
se trouvait. C’est à cause de ce sentiment d’appartenance commune à
une seule nation que le pays avait commencé à décoller. Mais avec le
nouveau discours “ Moi je suis du Kivu, moi je suis de Katanga, moi je
suis de Bandundu, moi je suis de l’Equateur, c’est clair que nous
contribuons nous-mêmes à diviser notre pays. Comment voulez-vous que
le pays se développe dans la division ? Nous avons un vaste pays et si
nous ne parlons plus le même langage, alors ça devient la tour de
Babel. Si nous voulons que les choses marchent, nous devons nous
entendre et parler le même langage pour redresser notre pays car nous
tous, nous sommes “ Bana Congo”. Dès lors que chacun se définit
plutôt comme ressortissant de l’Est , de l’Ouest ou du Nord, le pays
aura du mal à se redresser.

TOP CONGO : Merci beaucoup maman
MBL : Merci. Peut-être la dernière fois que je vous parle. Je suis
avancée en âge.

TOP CONGO : On se parlera de nouveau à Kinshasa.
( Interview en lingala au micro de Christian Lusakweno transcrite en
français par Germain Nzinga)

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